Je chantais ne vous déplaise. Et faux en plus. J’étais complètement saoule, au point que je me suis payé la pire gueule de bois de ma vie. Faut dire que j’en ai des soucis ma bonne dame, alors pas besoin d’avoir un dragon aux fesses en plus ! J’étais quelque part au Gondor et croyez-moi, les aubergistes du coin sont de fieffés coquins ! UNE FORTUNE POUR SIX PETITS REPAS DE RIEN DU TOUT ! ET SANS CHAMPIGNON ! Je vous l’dis, y’a des commerçants qui méritent de se faire dépouiller. D’ailleurs dès que j’ai pu, j’ai filé avec la bourse du patron et son cheval. Que j’ai laissé au Rohan parce que monter ces grosses bestioles c’est quand même sacrément dangereux. Hein le dragon ? Ben du coup je ne l’ai pas croisé et ma foi tant mieux ! Vous ne pensez pas que j’ai assez de problèmes comme ça ?

Hahahaha… JE DETESTE LES ARAIGNEES ! Donc pour le coup je n’ai jamais approché Mirkwood, je refuse de le faire, même avec un gros diamant à la clé et… l’Arkenstone ? Ah ben là tout de suite hein… faut voir. Les orcs ? Ça pue, pire que des cochons, c’est sale mais ce n’est pas trop dur à fuir et à tuer. Suffit de lui tomber dessus au bon moment et de bien viser. Je vise bien vous savez ?

Le quoi ? Je savais pas qu’il était parti. Vous dîtes qu’il est revenu ? Mais il fait quoi ce nécro… mancien ? Attendez, ne me dîtes pas qu’il fait des choses bizarres avec les morts quand même ! Si ? Beurk…

Dans un trou vivait une hobbit. Et… Eh une minute ! Il s’agit de mon histoire ! On recommence si vous le voulez bien ? Je m’appelle Kiteria et je suis une hobbit du côté de ma mère et humaine du côté de mon père. Sacré mélange hein ? Maman était… hum comment dire… vous voyez les hobbits ce sont des gens bien comme il faut, qui aiment leur tranquillité. Maman non. Elle aimait voyager, découvrir de nouveaux endroits, de nouvelles personnes et avait plutôt le sens des affaires. Faut dire que l’herbe à pipe s’exporte très très bien, aussi c’est en profitant d’échanges commerciaux que Maman a découvert le monde, mon père et est tombée enceinte par la même occasion. Du premier coup si je puis dire. En plein dans le mille. La brioche au four. Le… Bref, de mon père, je ne sais pas grand chose à part que c’était un homme et qu’il avait « un bagou incroyable, il était si charmeur et tellement grand » d’après Maman. Je ressemble beaucoup à maman, j’ai la même chevelure brune et épaisse qu'elle, des oreilles pointues, je suis adorable et je tiens d'elle mon énorme appétit. De papa je tiens ma taille tout de même honorable, mes jambes lisses et mes pieds sans poils ainsi que, je suppose, ma capacité à m'attirer des ennuis. Ma mère était marchande itinérante, elle m’a traînée sur les routes dès mon plus jeune âge et c’est de là que je tiens mon extraordinaire sens du commerce. Elle m’a appris tout un tas de choses très utiles, comme par exemple à tenir des comptes, panser un cheval (mais ces bestioles sont trop grandes !), changer la roue d’un chariot et cacher des stylets dans mes manches pour être toujours prête à me défendre. Pas mal hein ? Vous allez me dire, d’accord mais comment es-tu passée de marchande à voleuse ?

C’est là qu’arrive la partie moins amusante de l’histoire, notre groupe de marchands a été attaqué par une bande d’orcs il y a dix ans de cela. Les hobbits peuvent passer inaperçu et je tiens cela de ma mère. Mais les autres n’avaient pas cette chance. J’ai été la seule à survivre. Maman aurait dû leur échapper aussi vous me direz. Eh bien non, pas assez rapide. Pas assez lâche pour décider de partir sans rien tenter. Trop courageuse pour ne pas tenter de me protéger. Je n’aime pas parler de cette époque vous savez ? Et si je n’avais pas un coup dans le nez je ne vous raconterais pas ça. J’ai creusé la terre jusqu’à en avoir les mains en sang et j’ai enterré ma mère. Et je suis partie sans me retourner. Se retrouver seule au monde quand on est un petit gabarit comme moi n’est pas facile et c’est par besoin que je me suis retrouvée à faire les poches des gens. Et j’y ai pris goût. Après tout c’est facile de se servir quand on ne vous remarque pas. Oui ce n’est pas honnête. Oui j’avais prévu de vivre honnêtement, mais finalement je déteste ce mot. J’étais à moitié morte de faim lorsque j’ai atteint la ville la plus proche et je ne dois mon salut qu’à Aldaron. Aldaron c’est un humain, un bipède que j’aime à la folie. Aldaron m’a ramassée dans une ruelle, alors que j’étais perdue, affamée et que je puais comme un orc. Il m’a offert à manger, un bon bain et une chambre à l’auberge où il résidait. Je ne me suis pas posé de questions, j’ignore encore pourquoi il m’a recueillie… entre nous, je pense que c’est à cause de ce qu’il m’est arrivé. Ses parents sont morts aussi lors d’une attaque des orcs et il a perdu sa soeur. Peut être que je lui ressemble ?

Aldaron m’a pris sous son aile et m’a appris à gagner ma vie… en volant. Bizarrement (ou pas), je me suis révélée être très douée à ce petit jeu là. Et vous savez quoi ? J’adore ça, le grand frisson, le bonheur de tenir entre mes doigts de l’or, des pierres qui brillent… Evidemment, il ne m’a pas appris que ça. Il m’a enseigné le combat mais surtout la fuite. Petite comme je suis j’ai très peu de chances de l’emporter face à un humain, un elfe ou un orc. Un nain je ne dis pas, je suppose que lui balancer un diamant dans la tronche devrait l’occuper, ou bien de la bière ? A condition d’en avoir sur moi évidemment… oui bon d’accord, contre un nain aussi je risque de mordre la poussière. Aldaron m’a appris à attaquer par surprise, à ne pas manquer mon coup et à préférer la mise à mort d’un adversaire à une simple blessure qui pourrait le pousser à vouloir me retrouver une fois guéri.

N’allez pas croire que cela se déroule toujours comme sur des roulettes ! Justement, il y a un an aujourd’hui, je me suis retrouvée dans une sacrée panade…


« Non mais entre nous, il me va beaucoup mieux qu’à vous ce collier ! »

Le rire de l’homme résonne et lorsque sa main se pose sur ma joue je résiste vaillamment à l’envie de la mordre. Pas que j’ai peur de me prendre une baffe, juste que je ne sais pas où ça a traîné. Quelle idée j’ai eue de m’attaquer à ce type ! Bon faut dire qu’il avait tout pour lui. De la bière en quantité qui m’a conduite à espérer qu’il soit suffisamment saoul pour ne pas me remarquer. Un cheval absolument magnifique et une jolie sacoche qui m’a laissé voir quelque chose aux reflets dorés.

Cette fois je prends davantage mon temps pour le regarder. Et ne peux que lâcher un soupir découragé. C’est mal parti pour moi. Ce type fait quasiment deux mètres de haut, pèse certainement vingt fois mon poids et ne semble être fait que de muscle. Pas la moindre trace de graisse, et c’est pas faute de me rincer l’oeil en cherchant. Je suis face à un géant, une machine à tuer et je suis persuadée qu’il pourrait m’écraser la tête en la serrant entre ses énormes mains. Tout ça pour dire que nous semblons difficilement compatibles, rien que d’un point de vue physique. Eh, qui voudrait d’un type capable de vous écraser en dormant ? Ses yeux m’observent avec attention et je sursaute lorsque ses doigts effleurent mon oreille. Non pas iciiii ! Ça chatouille, pitiéééé !

« Qu’est ce que tu es ? »

Je le fixe à mon tour d’un air très certainement stupide et me dandine d’un air gêné.

« Euh… je suis désolée ? »

Cela ne semble pas être la réponse qu’il attend, mais il le prend plutôt bien, enfin je crois puisqu’il se met à rire. C’est un rire joyeux, communicatif, enfin qui le serait presque si je n’étais à sa merci. Ça m’apprendra à m’en prendre à un type qui ressemble à une montagne et qui doit en bouffer six comme moi à chaque repas.

« Oh ça oui tu es désolée. »

Hahahaha. Je vais mourir. J’espère que ce sera rapide. Il s’écarte légèrement de moi et mon esprit s’arrête brusquement de fonctionner. Je vois Aldaron derrière lui me faire signe de me taire. J’ai compris. Je ne réfléchis plus (déjà que je ne réfléchissais pas beaucoup) et je frappe. Pas à la tête, si j’avais été moins petite et lui moins grand j’aurais visé le nez. Non, là je vise sous la ceinture. Jesuisdésolée. Et je recule plus vite que jamais, sourde à son cri étouffé puis à ses jurons. Il s’écroule comme une masse, Aldaron l’a assommé. Je me rapproche prudemment du corps et jette un regard reconnaissant à mon frère adoptif qui me fixe d’un air mécontent. Un sourire innocent sur les lèvres, je me penche et attrape le collier qui m’a valu une belle mésaventure. En fait, il n’a pas l’air d’avoir beaucoup de valeur. Mais je l’aime bien. Je le passe à mon cou et me tourne vers Aldaron avec un petit rire gêné.

« T’en as mis du temps ! Tu comptais laisser cette brute me dévorer et se curer les dents avec mes os ou quoi ? »


Ça aurait pu me servir de leçon cette histoire… mais non. Me voilà à Dale et j’ai bien l’intention de me refaire une santé. Financière je veux dire. Ça fait un petit moment déjà que j’ai dépensé toute ma fortune et je n’ai pu me résoudre à vendre ce collier qui a failli me coûter la vie. En soi il n’a pas beaucoup de valeur, enfin moins que le bracelet incrusté d’émeraudes que j’avais volé un autre jour. Peut être que j’avais envie d’un souvenir, allez savoir. Tssss, me souvenir de quoi, de ce type qui aurait pu écraser ma tête entre ses mains comme un pauvre petit oeuf sans défense ? Oui, non, plutôt me souvenir de ce jour où j’ai échappé à la mort ! C’est ça !

« TAVERNIER A BOIRE ! »