Sujet extrêmement délicat à ne préférence pas aborder avec Indis. Durant la Quête de Thorin, Indis a été laissée pour compte dans les Montagnes Bleues. Thorin ne lui a pas demandé de participer à cette quête, et Indis ne le lui pardonnera sans doute jamais.
Elle aussi a été présente quand la désolation de Smaug s'est abattue sur la Montagne Solitaire. Elle a été de toutes les batailles et aurait sans hésiter suivi les héritiers de Durin pour reconquérir Erebor. Mais non. Oakenshield a préféré prendre avec lui des vieillards et de jeunes nains n'ayant encore jamais vu de guerres... Thorin a du penser que ce n'était pas une tâche de naine...
Indis l'a vécu comme une traîtrise, qui est de plus arrivée lors d'une époque ou elle était en pleine crise de confiance en elle. Après la bataille d'Anazulbizar et la mort de Thror dont elle était Garde Royale, Indis avait honte de ne pas être morte pour protéger son Roi, de lui avoir survécu alors que lui était mort. Devenue simple guerrière aux Montagnes Bleues, cette quête à protéger les derniers fils de Durin aurait été l'occasion pour elle de se racheter, occasion que Thorin, son légitime souverain mais aussi ami d'enfance (et techniquement de deux ans son cadet, ce qu'elle ne manquait jamais de lui rappeler quand ils n'étaient que deux jeunes nains) a décidé de ne pas lui offrir.

Mises à part les quelques unes qu'elle écrase sous le pied, elle n'a pas à se plaindre d'araignées. En revanche, elle crache par terre à la simple mention d'Orcs. Elle ne les craint pas et recherche le combat avec eux, avide de faire couler le plus de sang noir possible, en vengeance de tout le sang nain qu'ils ont fait couler. Quand elle est entrée dans la Garde Royale, elle se ventait de tuer dix Orcs pour chaque nain jamais tombé. Mais après la Bataille d'Anazulbizar, Indis a perdu le compte de ses frères d'armes tombés et des larmes qu'elle a versé pour eux. Elle se contente désormais de tuer le moindre Orc qui croise son chemin, quitte à la poursuivre sur des lieues entières jusqu'à ce qu'il ne se vident de leur sang sous ses blessures. Elle-même s'est vue infligée quelques cicatrices sous les lames orques, mais Indis ne porte toujours pas d'armure au combat, montrant à ses ennemis qu'elle ne se cache pas et qu'elle n'a pas peur.

Indis n'en a jamais entendu parler. En tant que Garde Royale, elle n'est pas consultée en matière d'affaires étrangères et les quelques réunions politiques auxquelles elle assiste pour protéger son Roi ne sont pas suffisantes pour pleinement comprendre ce qu'il se passe en Forêt Noire. Indis n'en a que des échos. Elle sait que les choses s'aggravent, mais refuse obstinément de montrer la moindre angoisse ou inquiétude.

Elle commence il y a plus de 200 ans, dans l'un des plus puissants royaumes de la Terre du Milieu. Erebor. De nombreuses légendes sont encore racontées par les hommes du lac à son propos, des histoires de joyaux plus brillants que la lune et les étoiles, des contes de rivières d'or coulant des portes de la Montagne. Elles sont toutes vraies. Je l'ai vu de mes propres yeux. J'y suis née.

Enfant, je passais mon temps à parcourir l'immensité des halls construits par mes aïeux, au rythme des coups de marteaux et pioches des nains montant en écho des racines de la montagne. J'ai grandit avec ce chant élogieux de force et de puissance aux oreilles. C'est ce qui a toujours été le plus important à mes yeux. La force, et la bravoure.

Jeune naine, j'ai appris à me battre, et me suis entraînée au maniement des armes. J'ai eu la chance et l'honneur de m'entraîner aux côtés de courageux nains, dont le descendant de Durin, Thorin, fils de Thrain, fils de Thror, Roi Sous la Montagne. Me battre contre lui a toujours été un plaisir. Je ne sais pas si lui en dira autant. Je me suis toujours évertuée à être parmi les meilleurs guerriers, et il est quelques hématomes dont il doit encore se souvenir... Mais au fil des années, Thorin n'a jamais cessé d'être respectueux, noble et excellent combattant, ainsi qu'un ami cher. C'est en m'entraînant à ses côtés que j'ai prit la décision d'entrer un jour dans la Garde Royale. Ce n'a pas été un choix facile à accepter par ma mère et mon père, qui auraient souhaiter me voir mariée, mais l'honneur de protéger le Roi était tel qu'il ne l'ont pas refusé... Et je n'avais pas de barbe de toute façon, ils n'avaient aucune chance de me marier.

C'est donc à mes trente ans, à l'aboutissement de mon entraînement et en tant que naine-guerrière accomplie, que j'ai eu l'honneur d'entrer dans la Garde Royale de Thror, Roi Sous la Montagne... et que j'ai découvert un roi en prise au mal de Durin. Un roi qui passait le plus clair de son temps dans ses halls remplis d'or, et dont les rares décisions étaient de plus en plus irraisonnées. Je comprenais le malaise de Thorin qui, alors même que mon poste devait nous rapprocher, s'écartait. J'étais garde d'un roi qui n'était plus que l'ombre de lui-même, et mon devoir était d'obéir à chacun de ses ordres insensés.

Et alors que le mal rongeait notre Royaume de l'intérieur, le vrai malheur n'était pas loin. Nous entendîmes tout d’abord un bruit semblable à celui d’un ouragan qui venait du nord, et les pins de la montagne qui grinçaient et craquaient sous l’assaut du vent roulant. Ce fut Thorin lui-même qui cria, le premier, l'alerte. Un Dragon. Nous vîmes Dale, la ville aux milles clochers, mise à feu et à sang, des fumées noires s'élevant contre les flancs de la Montagne, avant que le fléau ne s'abatte sur nous. J'étais derrière Thorin quand il prit la tête de la garde pour tenter de protéger Erebor, mais contre un dragon, il n'est rien que les armes puissent faire. Nos portes ne résistèrent qu'à peine, et nos rangs furent brisés par Smaug comme la plus fine des chaînes. Bientôt, le chaos régnait sous la Montagne. L'odeur de fumée et de chair brûlée rendit l'air irrespirable, obscurcit par l'haleine fétide du dragon. Nous ne pouvions que fuir.

Ce n'était pas une bataille. C'était un massacre. Nombre de mes frères guerriers étaient tombés, plus encore de mes amis. Thorin est parvenu à ressortir avec son père et son grand-père, mais étant restée à leur côté pour accomplir mon devoir, je n'ai jamais vu mes parents sortir de la Montagne. J'ai fini après de nombreuses années par accepter que leur destin avait été le même que de nombreux autres nains ce jour-là.

Comme le reste de mon peuple, j'ai connu l'exil, les jours d'errance, de froid et de famine, et de guerre. Une guerre contre les Orques, et contre le plus vil d'entre eux, Azog, l'Orque Blanc. Maudit soit son nom. Plus de nains encore sont tombés sous les lames noires des Orques. Dont Frerin, le frère de Thorin, et Thror lui-même, qu'il était de mon devoir de le protéger avec ma vie. Grâce à la bravoure de Thorin, nous avons gagné la bataille, mais nous avions perdu un nombre incommensurable de nos frères. Quant à moi, j'avais failli à ma tâche. De la Garde Royale, j'étais la seule encore en vie, la seule à avoir survécu à mon Roi.

Je n'ai pas peur de dire que ce fût les jours les plus sombres de ma vie. J'ai bien entendu quitté la Garde Royale, dont je ne me sentais plus digne, pour ne redevenir qu'une simple guerrière des Montagnes Bleues. Je me suis terrée dans le deuil et la honte, et je n'ai plus jamais regardé Thorin en face.

Les années ont passé, et je me suis réfugiée dans le combat, devenant la plus implacable et plus féroce des nains-guerriers des Montagnes Bleues. Pas un Orque n'a posé les yeux sur ma lame sans y goutter. Pas un seul ne m'a échappé. Peu importe le nombre de lieues qui nous séparent, je les ai tous traqués comme l'ombre de la mort avant de les terrasser jusque dans leur nid putride. J'étais de toutes les batailles, même les plus désespérées, cherchant perpétuellement à rejoindre les halls de Mandos, à retrouver mon roi et mes parents, et trop des mes amis et frères d'armes, cherchant sans relâche une mort qui refusait toujours de me prendre.

J'ai fini par avoir vent de l’expédition de Thorin, qui était parti reconquérir Erebor. Sans moi. Il était parti avec des vieillards, des nains si jeunes qu'ils n'avaient pas connu la moindre guerre, des marchands, des mineurs, des fabricants de jouets... Mais pas moi. Il aurait pu me couper la barbe (si j'en avais eu une) de ses propres mains et ça aurait quand même été un insulte moins humiliante que de partir avec ces douze nains-là. J'avais peut-être failli à mon devoir, mais je restais une meilleure combattante que la grande majorité d'entre eux. Du moins c'est ce que je pensais, mais il ne semblait pas d'accord.

Je me suis entièrement renfermée dans le combat. Je n'ai plus adressé le moindre mot à un quelconque nain. Mes yeux se sont mit à briller en permanence d'une lueur de colère chauffée à blanc, et je ne me suis plus exprimée qu'avec le meilleur langage que je connaissais : mon épée. J'ai passé le plus clair de mon temps dans les Montagne Bleues à traquer les Orques, dont tous connaissent et craignent désormais mon nom. Mais les litres de sang noir que je faisais couler n'étaient pas suffisant pour retrouver mon honneur, parti à l'est avec les fils de Durin sans que je puisse les protéger, et la mort continuait à m'ignorer.

Les nains des Montagnes Bleues eurent enfin des nouvelles de la Montagne Solitaire, et les Orques ont bien failli ne pas être suffisamment nombreux pour étancher l'incendie de ma rage. Je n'avais pas été là pour voir Smaug terrassé, je n'avais pas été là pour fouler les marches d'Erebor avec mon souverain, je n'avais pas été là pour me battre aux côtés des fils de Durin lors de la Bataille des Cinq Armées... où ils étaient tombés. Je serais morte sur place quand les nouvelles de leur blessures nous sont parvenues. Abandonnant mon poste, je me suis aussitôt ruée vers l'Est, traversant tout l'Eriador, passant les Monts Brumeux et contournant la Forêt Noire pour me précipiter auprès de Kili, Fili et Thorin (encore incertaine de vouloir veiller sur eux ou les achever, la première option s'imposant de plus en plus au fil des lieues.)

Au fur et à mesure de mon voyage, les nouvelles me parvenaient de leur guérison, et de la montée sur le trône de Thorin Ecu-de-Chêne, Roi Sous la Montagne. Je ne lui avais absolument pas pardonné, et je ne le lui avouerai jamais, mais mon coeur s'est envolé, gonflé de fierté à cette nouvelle. Je n'avais plus qu'un souhait, revenir chez moi, revenir à Erebor et redevenir Garde Royale.

Rappelez-vous ce que je vous ai dit à propos de ma première nomination à ce poste. Rappelez-vous de ce que je vous ai dit à propos de Thror. C'est important.

J'ai donc parcouru les dernière lieues me séparant de la Montagne Solitaire, voyant chaque matin le Soleil se lever sur ses flancs toujours plus proches. J'ai longé le lac dont les vapeurs cachaient encore le squelette du Ver Cracheur de Feu. J'ai atteint la Valée de Dale en pleine reconstruction, Bard, descendant de Girion, à sa tête. Et je suis enfin rentrée par la porte d'Erebor, que j'avais fui plus de 150 ans plus tôt. J'ai parcouru ses halls, j'ai gravi ses marches et je suis entrée dans la Salle du Trône, pour trouver mon souverain et ami d'enfance... proie du Mal de Durin à son tour... Par Aulë!!! Si je n'avais pas été chargée de sa sécurité, je le jure, je l'aurai tué!!! Il n'y a qu'un nombre limité de métal rouillé qu'un nain peut supporter (comme on dit chez nous)!!!

J'ai ravalé nombre de mes insultes (si je n'avais pas autant de respect pour sa mère!) et ai mêlé ma voix à celle des Nains de la Compagnie pour lui faire entendre la raison. J'ai tenté par tous les moyens qu'il se comportait exactement comme son grand-père quand nous étions tout deux plus jeunes. Je lui ai rappelé leur comportement avec Thranduil, je lui ai rappelé ce qu'il était advenu ensuite : les traces de brûlûres étaient encore visibles dans la plupart des halls. Je lui ai rappelé sa propre souffrance de voir son grand-père ainsi et lui ai demandé s'il pensait à ses neveux et héritiers, s'il pensait à Fili et Kili qui se trouvaient désormais à la place qui avait été la sienne il y a deux cents ans.

Sous le poids de mes arguments ou de ceux de ses plus proches amis, Thorin a fini par céder le trône à son neveu pour aller retrouver la raison au loin. Je l'aurai suivi, s'il me l'avait demandé, mais il s'en est allé seul, et ma place est à Erebor. Fili, fils de Dis et héritier de Thorin, est monté sur le trône et m'a fait l'honneur de reprendre ma place dans la Garde Royale.

J'ai retrouvé mon honneur, mais je n'ai pas oublié ma honte passée. Je tiens davantage à la vie des Fils de Durin qu'à la mienne. Je suis déjà agée de deux-cents ans et les jours continuent de s'assombrir. Ma vie sera courte, je l'ai accepté il y a des siècles. Aucun autre Fils de Durin ne tombera devant moi. Cette fois, je trouverai la mort la première.