Alors que la Compagnie de Thorin Ecu-de-Chêne reprenait Erebor, et que Smaug allait cracher ses petites flammes, Vijaya prenait possession d'une deuxième navire afin d'agrandir sa flotte. Au commandement de la Mandragore, son bateau chéri, elle assaillit un marchand humain et après une bataille qui vit quelques morts et pas mal de blessés, notamment dans le camp ennemi, elle parvint à son but et pu compter sur un second bâtiment - le Lumnjar. Elle entendit parler de la reprise d'Erebor dans les ports où elle accosta ensuite, et rêva à l'or et la gloire qu'avaient acquis les nains. Cependant, cela ne la touchant ni de près ni de loin, ce fut une nouvelle comme une autre pour la pirate.

Encore une fois en mer, Vijaya n'a eu vent de ces faits qu'après un accostage dans un port du sud. Les morts, les batailles, les guerres, les prises de pouvoir ... Si elle sait jouer aux jeux des complots en ce qui concerne la piraterie, la demoiselle n'y connaît goute quant aux jeux sur la terre ferme. L'idée qu'une femme ait prit le pouvoir dans l'un des royaumes de l'Harad la fascine - une femme devenue reine, régnant d'une main de fer et de sang. Il y a quelque chose de fascinant et de terrifiant dans ces rumeurs et ce brouhaha sur les jeux qu'elle organise ... Ce dont se doute Vijaya, c'est que si la mer regorge de dangers, la terre l'est tout autant - létale comme peut l'être les tempêtes salées, ou aussi mortelle qu'un orage loin de la côte. Aussi fascinant qu'un trésor, et parfois elle se demande si elle n'a pas choisi la facilité en prenant la mer.

Si Vijaya connaît quelque chose là-dessus, ce sera des informations glanées ici et là dans les tavernes, ou sur les lèvres de ses ennemis qu'elle a vaincu, ou encore les racontars entre pirates. Pas de nouvelles auxquelles se fier, et pourtant ... Elle tend l'oreille afin d'en savoir plus - car une telle menace ne peut être écartée à la légère. Elle désire donc en apprendre plus très bientôt, et se tenir au courant de façon plus régulière et formelle, afin de connaître les faits et ce qui se passe réellement, plutôt que de devoir baser ses connaissances sur des suppositions.

Pour beaucoup de femmes, l'avenir rime avec enfants,époux et famille. Pas pour Vijaya - son destin, elle le veut forgé par elle-même et ses propres faits glorieux. Elle rêve de piraterie, de bravoure, de courage, d'or et d'argent. Elle veut que les hommes, les nains, les elfes se souviennent d'elle. Elle désire la magie, des alliés puissants, et dépasser ses propres limites. Mais si elle n'a aucune idée de quoi sera fait demain, elle se promet à chaque jour que les dieux font qu'elle continuera à se donner à fond pour ce qu'elle veut. Qu'elle n'abandonnera rien, et surtout pas ce qu'elle est ou ce qu'elle veut.

« Plus haut ! et le cri lancé la pousse à lever plus haut sa faucille. Vijaya recule d'un pas, étourdie par le choc, mais son père ne lui laisse pas un instant de répit. Il attaque, à droite, à gauche. Une feinte, qu'elle voit, mais n'est pas assez rapide pour esquiver. Elle s'écarte mais le bout de l'arme se plante dans son plastron. Malgré la protection, le croc lui fait vibrer les côtes et elle grommelle à voix basse. Son père la défie en levant le menton, le regard luisant et elle émet un feulement de chat blessé, en bondissant en arrière, agile et preste comme seuls peuvent l'être les enfants de huit ans, sans aucune conscience de ce qui l'entoure, uniquement tournée vers son but premier. Toucher son père d'une de ses faucilles.

Elle bondit en avant, à la manière d'un fauve, mais est rapidement mise à terre. Elle tente de s'échapper, mais son géniteur la maintient, le fer contre sa gorge où le gorgerin est ouvert. Elle crie, gesticule, jusqu'à ce que le sang perle, et la douleur vive, subtile, la fait s'immobiliser. « Tu as encore bien du travail à accomplir, si tu veux savoir te battre. Essuie le sang, la sueur. Et passons à la lecture. Il se redresse, et sourit. Vijaya secoue la tête et suit ses conseils avant de le suivre dans sa cabine. Lecture d'ouvrages, mais aussi de cartes marines. Elle aime ces moments simples, avec son père. Elle venait d'une famille aisée de marchands, et étant la fille aîné d'une fratrie de cinq filles, elle s'était décidée à ne pas se marier et à suivre la voie de son père, comme si elle avait été un homme. Pour tout avouer, elle était même sensiblement plus attirée par le commerce et les choses d'hommes, comme disaient sa mère et ses soeurs, que par la danse ou la couture. Elle aimait se battre, elle adorait voler une ou deux gorgées de bière à son père sous son regard amusé, et s'habiller comme un garçon. Pourtant, elle se prêtait parfois aux atours des femmes, notamment quand son père devait rencontrer de hautes personnalités. Elle savait qu'il n'avait pas totalement abandonné l'idée de lui faire faire un bon mariage, et docile, elle se laissait faire, se laissait vêtir de robes qui l'étouffaient, de corset rigides, de noeuds ridicules, et souriait comme une poupée. Pour retourner à ses chemises et ses faucilles avec une joie plus grande encore.

« Jamais. Plutôt mourir cracha t-elle avec un air insolent, en abattant ses cartes. Gagné. Le marin face à elle leva les mains en l'air d'un air désespéré, et elle suivit ses gestes. Mais ils savaient tous qu'elle était la fille du capitaine. Aussi n'osaient-ils pas vraiment lever la main sur elle, d'autant plus qu'elle se révélait féroce comme un fauve quand elle s'y mettait. La nuit était tombée, et les lueurs des bougies sous les coupelles de verre formaient des lucioles féériques, dans l'air calme et paisible des mers. Vijaya s'étira, ramassa son pactole et s'éloigna en sifflotant. Elle avait quinze ans, son père venait de lui annoncer qu'il la nommait vice-capitaine marchand et qu'elle aurait sous peu un bâtiment à elle, leurs finances se portant bien et son géniteur souhaitant étendre leur pouvoir. « Bateau, Cap'tain ! Bateau en approche ! Sans voile ni couleur ! L'équipage en entier, du moins ceux debout, se précipitèrent dans la direction que la vigie indiqua. Une ombre sur l'eau glissait jusqu'à eux. Ils plissèrent tous les yeux, Vijaya la première, tentant de voir qui donc s'approchait d'eux.
Puis le premier homme tomba.

Une flèche, puis deux. Des lueurs - le feu. Les flammes qui zèbrent l'obscurité, jusqu'à consumer le plancher de bois. L'eau qui reflètent la panique et le sang. La mort, qui arrache aux narines les pleurs naïfs. Vijaya se terre dans un coin, espérant ne pas être vue, trop lâche et trop apeurée pour faire quoi que ce soit. Elle tremble, et elle a mal de sa propre couardise. Son père est au milieu des hommes - ces pirates arrogants qui hurlent des obscénités. L'un d'eux est couturé de cicatrices, et c'est le plus monstrueux. Bestial. Inhumain. Il embroche son père d'un coup de sabre dentelé, et Vijaya hurle. Elle a le goût du sang dans la bouche - ses dents ont crevés sa langue, dans sa terreur. Elle se débat quand on l'attrape, et l'un des hommes lui casse le poignet pour la calmer. Elle sent son souffle saccadé s'enfuir. Elle va mourir. La chimère s'approche, sourit sans dents, exhale son souffle putride, et lui laisse dans la chair une marque indélébile - une large cicatrice dans la poitrine. De droite à gauche, allant de sous son aisselle à son aine. Le sang qui perle, encore. L'évanouissement. On la jette à l'eau, et le sel ravive sa douleur. Elle coule. Elle se meurt.

« AH ! Elle hurle, se redresse, se cogne le front contre le plafond bas. Son cri est arrêté, stoppé net, et elle grommelle sous la bosse qui point. Elle se masse le front et réalise que, si elle a encore la force de se cogner, c'est qu'elle est en vie. Elle ne peut pas vraiment bouger, mais son flanc est barré d'une plaie en voie de guérison, soignée par des fils et un emplâtre. Elle grimace, et remarque qu'un vieil homme la toise d'en bas - elle est allongée sur un lit en hauteur. « L'était temps que tu te réveilles, gamine. Il a l'air vieux, abîmé par la vie. Il soigne Vijaya, sans rien lui demander, sans parler, et l'adolescente reste stoïque, docile de par les gestes mais bouillante à l'intérieur. Son père a été tué par ces fichus pirates, et elle refuse de se laisser malmener plus fortement par la vie. Elle doit sûrement être passée pour morte, et elle décide que ce jour est le nouveau d'une nouvelle vie. L'homme avoue, finalement, être un ancien pêcheur. Il lui sert de mentor, et l'élève jusqu'à ses dix huit ans, âge où elle part d'elle-même dans un port pour servir de mousse. Durant quatre ans, elle vivote et devient lieutenant, en se travestissant souvent et en obtenant ses diplômes et ses accès grâce à son travail et sa détermination. Elle finit par entendre parler d'un groupe de pirates femmes, menées par une créatures nommée Lady Sharka. Et à force de chercher, elle finit par tomber sur ces dames dans un port. Après avoir supplié à genoux, on l'emmène. La capitaine écoute son histoire, et voit en elle une lame capable de beaucoup si elle est maniée avec précaution, et la laisse évoluer petit à petit sur son navire, jusqu'à ce que tous lui fassent confiance. Si Vijaya avait eu comme idée de devenir pirate afin d'en apprendre plus sur la créature qui lui avait tout enlevé, elle trouva chez Lady Sharka une seconde famille. Elle s'enticha même d'elle, mais jamais cela n'alla plus loin qu'un lien de mentor à élève.

Lorsque, lors d'un abordage, Lady Sharka et la moitié des filles trouvèrent la mort, ce fut Vijaya qui fut élue capitaine. Elle dût prendre de nouveaux marins, et elle décida de prendre des hommes, afin d'égaliser son équipage. Devoir prendre la place d'une femme de légende comme Lady Sharka avait fait vaciller son coeur, mais pas sa détermination. Elle s'intéressa à la magie, à ce qu'elle pouvait faire de plus, et décida d'apposer à son nom gloire et bravoure. Peut-être que si on la remarquait assez, cet homme viendrait à elle. Elle continua donc ses abordages, devint rapidement connue pour ne s'intéresser qu'aux trésors qui avaient de la valeur à ses yeux, et pour épargner les vies qu'elle pouvait, n'étant pas cruelle de nature. Certaines personnes de son équipage, homme ou femme, partirent, d'autres vinrent d'eux-même. Elle captura un second vaisseau, et son pouvoir s'accrût. Mais jamais assez à son humble avis - rien ne serait assez, tant qu'elle n'aurait pas tué ce monstre.