Alors là… Vous ne devez vraiment rien savoir sur cette histoire si vous me posez la question. J’y étais. C’est moi qui ai réveillé le dragon malheureusement. On m’avait envoyé récupérer l’archenstone dans la salle du trésor, après tout c’est pour cela que j’avais fait le voyage avec Thorin et sa compagnie. Mais je pense que même en étant l’être le plus discret du monde il est impossible de voler un dragon sans le réveiller. Par notre faute Smaug déchaina sa colère et beaucoup périrent. Même si le dragon a enfin été tué, je ne sais pas si toutes les vies et les sacrifices en valaient la peine.

Après que la montagne eut été libérée et que Thorin fut à nouveau roi sous la montagne, je repartis vers la comté. Au fond de moi je voulais rester auprès de mes amis. Bofur, Balin… J’étais vraiment triste de les quitter. Mais même si mon exil avait été levé, je sentais chez Thorin de la rancune. J’aurais voulu rester à Erebor, arranger les choses. Mais les nains sont têtus et je l’avoue, j’eus peur que jamais il ne me pardonne. Je repartis donc chez moi, Gandalf m’accompagna sur le chemin du retour. J’avais un coffre rempli d’or, ce qui était plus que suffisant pour un hobbit comme moi.L’avenir s’annonçait calme et prospère. Mais il ne le fut pas. En arrivant je découvris ce qui s’était passé. L’attaque de Smaug, Hobbitton dévasté. Ma maison de Cul-de-sac était en ruine, même si les parties les plus profondes de la maison sous la colline avaient réussi à échapper aux flammes. Je fis tout ce que je pouvais pour aider mes semblables, qui d’ailleurs furent surpris de me revoir vivant. Plus tard les attaques des hommes commencèrent. J’étais l’un des meilleurs guerriers de toute la comté, et cela en dit long sur les capacités guerrières de mon peuple. Ce ne furent pas des temps faciles, mais ont fini par se relever de nos cendres, presque littéralement. Les maisons furent rebâties et ont pu même semer à nouveau les champs. La ville n’a pas retrouvé sa splendeur d’antan et il faudra sans doute encore quelques années pour que cela arrive, mais les hobbits vivent à nouveau en paix, c’est tout ce qui compte.

La comté n’est pas l’endroit où ce genre d’informations arrivent en premier. Je ne sais que peu de choses. Des rumeurs circulent et on entend des histoires à la taverne. Mais les hobbits pensent qu’il ne s’agit que de légendes, d’histoires inventées de toutes pièces par des voyageurs. Je suis le seul à savoir que ces histoires sont sans doute vraies. Plus le temps passe et plus je sens l’envie de partir. Je ne suis pas un guerrier, et c’est sans doute stupide de foncer rejoindre ceux qui participeront à la guerre. Mais je m’inquiète pour mes amis et je sens que ma place est auprès d’eux.

Trop de choses se racontent, trop d’histoires sont parvenues jusqu’à moi. Des choses se passent par-delà les frontières de la comté. La curiosité et l’angoisse me ronge. Je ne sais pas ce qu’il est advenu de mes amis. Des batailles ont eu lieux et je sais qu’ils y ont participé. Ce sont des nains, c’est dans leur nature. Mais je m’inquiète. Lors de la bataille à Erebor certains ont été blessés. Je n’avais jamais ressenti une douleur aussi forte que lorsque j’ai vu Thorin dans cet état. J’en avait perdu le sommeil et encore maintenant il m’arrive de rêver qu’il leur arrive un malheur. Je songe de plus en plus à partir. Ma place est auprès d’eux, à Erebor.

Avec un cri d’angoisse Bilbo se releva dans son lit. Il était couvert de sueur, il frissonnait et sa respiration était haletante. Il n’arrivait pas à chasser la dernière image qu’il avait eut de son rêve de son esprit. Thorin traversé par la lame rouillée d’une épée orque. Une marée de sang s’écoulait de sa poitrine et s’écoulait jusqu’à lui. C’était la sensation du sang chaud sur ses pieds nus qui l’avait finalement tiré de ce rêve atroce. Frodon arrivé, encore à moitié endormi. « Encore un de vos cauchemars ? » Le jeune homme avait fini par s’habituer aux problèmes de sommeil de son oncle. Il ne lui avait jamais raconté toute la vérité sur son aventure, mais il en savait assez pour comprendre qu’il ne s’était pas totalement remis de ses péripéties. « Ce n’est rien Frodon, retourne dormir. » Sans un mot, le jeune hobbit fit demi-tour et retourna dans sa chambre, laissant son oncle seul. Bilbo se passa une main sur le visage, chassant toute trace du rêve. Il savait qu’il s’arriverait pas à se rendormir alors il se leva. Après avoir enfilé sa robe de chambre il se rendit au salon. Quelques braises rougeoyaient encore dans l’âtre et il ne lui fallut pas beaucoup d’efforts pour raviver le feu. S’installant dans son fauteuil, le même qui lui avait tant manqué lors de son voyage, et prépara sa pipe. L’inquiétude le rongeait, il sentait l’angoisse l’envahir un peu plus chaque jour.

Il voulait savoir ce qu’il était advenu de ses amis. S’ils étaient sains et sauf. Mais peu d’informations arrivaient jusqu’à la Comté. Les hobbits ne s’intéressent pas assez à ce qui se passe dans le monde pour que les nouvelles parviennent jusqu’à lui. Il avait souvent été tenté de partir, de se rendre à Fondcombe au moins juste pour savoir ce qu’il se passait. Mais quelque chose l’avait toujours retenu ici. Il avait d’abord fallu rebâtir la ville, puis se défendre contre les hommes. Bilbo était l’un des seuls à arriver à faire face à la situation. Les autres étaient comme lui lors de son départ, trop habitué au confort pour se débrouiller seuls. Puis il y avait eu Frodon. Ses parents étaient décédés et il décida de l’adopter. Il voyait quelque chose en ce garçon. Il se reconnaissait peut être un peu en lui. Pour le moment il était jeune et insouciant, mais il aimait déjà aller faire de longues balades en foret. Un peu comme il avait l’habitude de le faire lui-même quand il était jeune.

Il avait par la suite perdu l’habitude de le faire. Il était devenu un adulte et il essayait de se comporter comme tel. Il était bien vu en société et il était assez respecté. Il se rendait compte à présent que cette vie-là n’avait aucun sens. Il tira sur sa pipe, savoura le gout du tabac in instant puis laissa échapper la fumée en un anneau parfait qui s’éleva vers le plafond du salon. Cela lui ramena en mémoire ses retrouvailles avec Gandalf en cet après-midi où il avait voulu le chasser sans le reconnaitre. Le vieux mage avait décidé qu’il deviendrait le 14ème membre de la compagnie de Thorin, et bien entendu il ne lui avait pas laissé le choix. Il se souvenait encore à quel point il était contrarié en voyant tous ces nains s’inviter chez lui et piller ses réserves. Il avait refusé de se joindre à eux et ce e fut qu’après leur départ qu’il douta de sa décision. Une fois que sa maison fut vide et silencieuse. Il avait alors regardé par sa fenêtre vers les montagnes au loin. Le regret l’avait alors envahit. Comme possédé il fourra quelques affaires dans un sac, attrapa son bâton de randonnée et sortit en courant de chez lui. Il se voyait encore dévalant les collines devant le regard ahuri de ses voisins, partant rejoindre ce groupe de nains qu’il ne connaissait pas. Il partait tuer un dragon.

Aurait-il refusé de les rejoindre à l’époque si on lui avait dit tout ce qui allait se passer par la suite ? Surement. Pourtant il ne regrettait rien. Il avait vécu des choses effrayantes et dangereuses. Il aurait pu mourir plus d’une fois et il avait souvent craint pour la vie de ses amis. Mais les amitiés qu’il avait tissées tout au long de ce voyage étaient le trésor le plus précieux dont il pouvait rêver. Et pourtant il les avait abandonnés pour rentrer avec un coffre rempli d’or. Le dénouement de sa propre histoire n’avait aucun sens.

Il sentait que le moment était venu. Six ans avaient passé depuis qu’il partit d’Erebor. Six longues années durant lesquelles il s’était efforcé de redevenir l’ancien lui. La reconstruction de la ville l’avait maintenu occupé un temps. Il avait ensuite du s’occuper de Frodon, mais le temps passait et il se sentait désœuvré. Malgré toute l’aide qu’il avait apporté on le regardait encore un peu de travers car il n’était pas un hobbit conventionnel. Il avait tellement rêvé de revenir chez lui, de passer à nouveau de longs après-midis assis sur son fauteuil à lire des livres ou à fumer sa pipe sur le porche. Pourtant la nostalgie le rongeait. Chaque fois que son regard se posait sur les montagnes sont cœur se déchirait. Le hobbit qu’il était voulait rester chez lui, vivre confortablement. Mais il était aussi un cambrioleur et il rêvait de partir à l’aventure de nouveau.

Lorsque le matin arriva Frodon trouva son oncle habillé en tenue de voyage qui prenait son petit déjeuné dans la cuisine, un gros sac posé à côté de lui. Il n’eut pas besoin de lui demander pourquoi. Cela faisait des semaines qu’il savait que Bilbo allait partir, qu’il ne supporterait plus de rester coincé dans la maison sous la colline. Leurs adieux ne furent pas tristes car ils savaient que c’était pour le mieux.

Perché sur son poney, le vent dans les cheveux, Bilbo ne pouvait s’empêcher de sourire. Pendant six années il avait fait semblant d’être quelqu’un qu’il n’était plus. A présent il pouvait enfin être ce qu’il était réellement. Bilbo le cambrioleur, l’ami des elfes et des nains. Son cœur s’emplissait de joie à l’idée qu’il reverrait bientôt Erebor. D’un geste machinal il mit la main dans sa poche et caressa du bout des doigts le métal froid de l’anneau d’or qu’il transportait toujours avec lui. Sans vraiment en avoir conscience deux mots traversèrent ses lèvres… Mon précieux…