Mes occupations n’avaient rien d’épique comparé à la grande aventure des nains. Je ne suis même pas certaine d’en avoir entendu parler à ce moment-là. Peut-être qu’un voyageur venu du nord avait sous-entendu la chose, mais rien de bien marquant. Après tout c’est si loin du Gondor ! Quoi qu’il en soit, si vous voulez une réponse précise, je m’occupais de la ferme et du bétail. J’ai peut-être même fait un tour à Minas Tirith, mais la fin de l’automne est un événement important pour nous car c’est à partir de là que vous saurez si vous avez prévu assez pour l’hiver ou non…

Encore une fois, je n’ai eu vent des événements se déroulant en Terre Du Milieu qu’à travers les ragots des marchands demandant un toit pour la nuit ou en écoutant les discussions dans les tavernes de la ville. La vie est plutôt paisible lorsque l’on est à l’écart de tout. On se fait de l’argent en vendant son surplus, on échange avec les fermes proches et on apprend des histoires grâce aux voyageurs. Mais rien de tout cela ne semble vraiment réel. La réalité ici c’est le travail, survivre à l’hiver et continuer à faire tourner la ferme.  

La rumeur d’un nécromancien caché à Dol Guldur allait bon train depuis des mois déjà. C’était une histoire dont on se parlait au coin du feu pour se faire peur le soir et que les petits tournaient en jeu. Mais un matin le Mordor s’est remis à gronder. Les choses étaient sur le point de changer… Et pas qu’un peu ! Petit à petit on a vu des orcs et des gobelins apparaitre aux abords de la ferme. La plupart passait la nuit à couvert dans le petit bois non loin.
Depuis que je fais partie des rôdeurs dirigés par Faramir j’en sais un peu plus. Ce qui a réveillé le Mordor n’est autre que le Seigneur Noir. Ce ne peut être qu’un mauvais présage lorsque les légendes reviennent à la vie…

Il y a encore quelques temps de cela, mon seul et unique rêve aurait été de pouvoir m’échapper de cette ferme où j’ai grandis et trop longtemps souffert. Mais aujourd’hui je me surprends à espérer plus grand. Je veux parcourir le monde et voir de mes propres yeux ces endroits dont je n’ai lu le nom que sur des cartes. Moi petite fille des fermes je me retrouve aujourd’hui avec des responsabilités : défendre mon royaume et mon peuple. Si on me l’avait dit, je n’y aurait cru ! Et petit à petit on me laisse m’éloigner de plus en plus de Minath Tirith. Peut-être bien qu’un jour je les découvrirais ces montagnes glacées et ces forêts mystérieuses !

Pourtant avec chaque jour qui passe j’ai le sentiment que quelque chose se trame. Le ciel s’assombrit, l’atmosphère devient lourde. Est-ce l’hiver qui refroidit nos cœurs ou un réel pressentiment ? Les attaques sont de plus en plus nombreuses mais qui sait ce qui se passe derrière les murs du Mordor ? Serait-ce la guerre qui se prépare ? Je ne l’espère pas. Car malgré tout, même si mes envies d’aventure grandissent de jour en jour, je sais que viendra le moment où le seul appel auquel j’aurai envie de répondre sera celui d’un doux foyer.

The laws of Gods and Men

Il pleuvait à torrent cette nuit-là et pourtant toute la petite ferme était en agitation. L’événement que tous attendaient depuis des mois était sur le point de se produire. Tyrelle allait donner la vie ! Ce n’était pas la première fois que Thyra allait aider sa mère dans cette épreuve, mais cela restait tellement impressionnant pour l’enfant qu’elle était ! Son père courait dans tous les sens, renversant la moitié de ce qu’il tenait dans ses mains tant elles tremblaient. Reprenant ses esprits devant le chaos qui envahissait peu à peu la chaumière, Thyra couru vers son père.

« Allez donc auprès de mère, Aroril et moi nous occuperons de ce qu’il faut. De l’aide ne devrait plus tarder à arriver. »

Et en moins de temps qu’il n’en fallait pour le dire, le frère et la sœur revenaient les bras chargés de linge propre et de seau d’eau chaude. Cachés dans un coin de la pièce à vivre Adron, apeuré par tant de bruit, attendait que les cris cessent. Thyra se souvenait encore du jour où elle avait aidé à sa naissance il y a presque cinq ans de cela maintenant… Un instant plus tard, une grosse femme ruisselante entrait et se précipitait déjà vers Tyrelle.

« Tout le monde sors, sauf la fille. Allez. »

Les minutes se mirent à passer. Longues, trop longues… Les choses semblaient devenir calme dans la chambre mais les hommes de la maison ne pouvaient seulement emmètre que des hypothèses sur la tournure des événements. Ce n’était tout de même pas normal un tel calme ! Et puis la porte s’ouvrit de nouveau sur la grosse femme et ses mains tachées de sang. Derrière elle on pouvait voir Thyra en pleure contre le corps de sa mère.

« Qu’est-ce… Non… Ce n’est pas… »

L’incrédulité laissa bientôt place à la violence. Ardar fou de rage face à la mort de sa femme commença à briser meubles et vaisselles. Dehors le tonnerre grondait, comme si les dieux eux-mêmes regrettaient d’avoir rappelé trop tôt la bonne âme auprès d’eux.

On enterra Tyrelle et l’enfant le lendemain matin. Depuis ce jour ce fut dans le cœur d’Ardar comme si le soleil ne s’était plus jamais levé.


Walk of Punishment

Les jours passaient irrévocablement depuis la nuit tragique mais la blessure dans le cœur d’Ardar ne cessait de saigner. Avec les semaines il ne voyait plus en Thyra que le souvenir de son unique amour. Certain aurait pu voir cela comme une salvation de savoir que l’être aimé continuait à vivre au travers de l’enfant chéri, mais avec l’alcool amplifiant la folie, il ne supportait plus la présence de son unique fille. Lorsqu’il était sobre il ne faisait que l’ignorer mais une fois qu’il était imbibé d’alcool, il n’était pas rare que Thyra se fasse battre. Aroril avait bien essayé de s’interposer mais cela n’avait fait qu’aggraver les choses…

Les semaines étaient devenues des mois et Thyra passait le plus clair de son temps à se cacher dans les bois en attendant que l’ivresse de son père se dissipe un peu. Heureusement pour elle, la petite forêt regorgeait de gibier et à force d’entrainement, elle put bientôt revenir le soir avec de quoi nourrir son foyer. Même si Ardar trouvait la démarche inutile vue que la ferme leur fournissait tout ce dont il avait besoin, Aroril et Adron étaient bien content de trouver autre chose dans leurs assiettes.

Les années passèrent et finalement les tensions s’apaisèrent. Thyra pouvait de nouveau vaquer à ses occupations aux abords de la ferme sans risquer les coups de son père qui était de toute manière maintenant trop vieux pour s’attabler à un travail physique. C’est donc tout de même avec une certaine joie que la belle se remis à travailler avec ses frères. Pas bien loquaces non plus, le travail se faisait la plupart du temps dans le silence. Pourtant de temps à autre des éclats de voix et de rire retentissait dans le petit bois, et ce seulement lorsque les trois frères et sœurs s’entrainaient au combat dans le bois.

The Watchers on the Wall

Les années avaient passées et avec elles l’envie qu’avait Thyra de s’enfuir de sa ferme avait grandie. De plus en plus souvent elle s’enfuyait peu avant la nuit pour se réfugier dans la taverne la plus proche et ainsi écouter les récits et les rumeurs courant la Terre Du Milieu. Ses frères ne comprenaient pas son ambition, eux qui ne rêvaient qu’à une bonne récolte l’été suivant… Mais les choses étaient en train de changer. C’était comme un murmure lorsque l’aube se levait, cela se ressentait dans le chant des oiseaux. Et un matin les cheminées du Mordor se rallumèrent.

« Ça ne me dit rien qui vaille… On devrait peut-être renforcer la porte de la maison. »

Inquiets eux-aussi par cet événement, les deux frères ne pouvaient qu’aller en son sens. Pourtant aucun d’eux ne se serait douté que les choses changeraient aussi vite. Quelques jours plus tard un groupe de trois orcs fut découvert dans le bois par la jeune femme qui s’empressa de revenir au triple galop à la ferme. Son cri mêlé de surprise et de terreur lorsqu’elle avait détalé avait certainement mis les créatures sur sa trace.

« Adron ! Prend ton cheval et va prévenir Minath Tirith. Ils sont peu nombreux certes mais qui sait ce que cela présage ? »

Et la jeune femme ne s’était pas trompée. Quelques temps plus tard les forces du Gondor alertées à temps repérèrent une troupe en mouvement. Et ce n’était que le début… Les attaques étaient devenues le lot commun de la fratrie mais l’une d’entre elle allait radicalement changer le destin de Thyra.

Ce jour-là, l’attaque était plus ravageuse que les précédentes et les soldats semblaient être sur le point d’être submergé. Les orcs semblaient venir de tous les côtés et personne ne savait plus où donner de la tête. C’est alors qu’une idée germa dans l’esprit de la jeune femme. Elle passa son arc derrière son dos et courut jusqu’à l’échelle accolée à sa chaumière. Une fois sur le toit, elle aurait très certainement une meilleure vue de la situation. Et ce fut le cas ! L’attaque était bien plus désorganisée que ce qu’il s’emblait et quelques flèches lui permirent de faciliter la situation aux combattants. Alors qu’elle estimait son devoir accomplit, une scène retint son attention. L’un des gardes se battait contre un orc alors qu’un autre approchait subtilement par derrière.

« Il ne va pas avoir le temps de réagir ... Attention ! »

Alors qu’elle criait, et presque par réflexe, la jeune femme décocha une flèche qui vint se planter dans la tempe de la vile créature, donnant le temps au soldat d’achever son première ennemi avant de s’occuper du second. Ce que Thyra ne tarda pas à apprendre c’est que l’homme dont elle venait de sauver la vie n’était autre que le chef de la garde du Gondor. Presque aussitôt le dénommé Faramir lui proposa de rejoindre l’équipe de rôdeur qu’il avait formé. Proposition que Thyra accepta immédiatement.

Aujourd’hui, malgré les risques et la dureté de la tâche la jeune femme n’échangerait pour rien au monde sa position. Elle a le sentiment d’avoir trouvé sa place dans un monde qui ne l’a jamais vraiment acceptée.