« – Nana ! C'est vrai que Ada va partir à Mandos ? »
Eleniel soupira et s'accroupit pour regarder sa fille dans les yeux. Ses cheveux roux, sa peau claire, ses oreilles en pointe, son visage si plein de grâce...elle ne pouvait pas renier son sang elfique. Elle plissa le nez, embarrassée de l'air inquisiteur de sa petite. Les yeux de cette dernière semblaient l'accuser de ne pas lui avoir dit la vérité avant qu'elle ne soit mise au courant par ses camarades de jeux. Tous des elfes d'ailleurs. Imladris était particulièrement belle à cette période de l'année, le début de l'année faisait rougir les arbres de la plus belle des façons.
« – Oui, ça va arriver ma petite, Ada est mortel, pas comme toi et ta Nana. »
Se retournant la fillette posa les yeux sur son père et mit ses petits poings sur ses hanches dans une parfaite imitation de sa propre mère lorsqu'elle était en colère. Tancrède vieillissait à vue d’œil, il n'avait pas une espérance de vie aussi incroyable que d'autre peuples tels que les Dunedains, et il se demandait souvent comment il pouvait le faire comprendre à sa petite fille. Il avait eu une chance rare de vivre aux côté d'une elfe et de pouvoir lui donner un enfant , mais le temps de la séparation arriverait plus vite qu'il ne l'aurait crus.
Quelques années après, il avait finalement contracté une maladie purement humaine et rattrapé par sa condition il s'était doucement éteint, Galbereth, sa fille était alors âgée de vingts ans et elle l'avait veillé jour et nuis sans jamais fermer les yeux, l'avait étreint jusqu'à son dernier souffle. Elle avait beaucoup pleuré, il avait été difficile pour elle d'accepter que son propre père puisse être si douloureusement fragile et mortel. Sa mère avait lentement plongé dans un océan de douleur et de mélancolie mais s'était ressaisie pensant à sa fille et à tout ce qu'elle avait encore à vivre.
Sa petite avait toujours été une véritable flamme, un feu ardent qui embrasait les cœur et les âmes, un trop plein d'amour et de passion qui réchauffait les cœurs de tout les elfes qui pouvaient poser les yeux sur elle. Pas forcément la mieux née, et sûrement pas la plus sage, mais une des plus curieuse, des plus avides de savoir, de tout savoir. Et puis elle grandissait vite, elle appris la couture auprès de sa mère d'abord puis auprès des plus grandes couturières d'Imladris faisant montre d'une rare dextérité et pour la plus grande fierté de sa mère.
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« – Et donc, là dessus elle me dit que de toutes les façon elle se rend en Lorien dans deux semaines pour rejoindre son fiancé et qu'elle veux que la robe soit terminée d'ici-là ! »
Son aiguille à la main Galbereth mimait la scène qui avait eu lieu quelques deux jours plus tôt. Son amie la suivait du regard sans pour autant cesser sa broderie. Galbereth et ses boucles rousses, Galbereth et son feu intérieur, Galbereth et ses sautes d'humeurs...en vérité la vieille elfe avait tendance à penser que c'était uniquement pour la perpétuelle bonne humeur de sa cadette qu'elle n'était pas encore partie rejoindre le valinor. Elle avait une telle façon de réagir et de s'exprimer qu'on avait l'impression qu'il arrivait toujours des choses incroyable à le semi-elfe et c'était plaisant. Parce qu'elle ne s'était pas lassée de vivre et qu'elle ne pensait même que ça soit possible.
« – Donc je ne me suis pas laissée faire, tu penses bien ! J'ai relevé le menton et je lui ai dit : Ma petite dame, je suis la meilleure brodeuse d'Imladris et si je vous dis que j'en ai pour vingt et un jour au mieux, c'est que personne ici ne pourra faire mieux ! »
A la moue qu'elle affichait, celle d'une enfant boudeuse, enfant qu'elle était peut être encore un peu du haut de ses soixante ans, Azenor devinait sans peine qu'elle n'avait pas obtenu gain de cause. Ce qui expliquait pourquoi elle était aussi énervée alors qu'elle brodait le tissu crème d'une robe d'une rare richesse. Ce qui était rare, Galbereth n'avait pas le meilleur caractère qui soit mais lorsqu'elle travaillait elle était toujours d'un calme et d'une patience qui en avait fait pâlir plus d'une et à plus forte raison lorsque le travail se faisait sur des tissus précieux. Pourtant ce jour là, elle fulminait de tout les côté et on eu cru que ses cheveux étaient en réalité les flammes de sa colère.
Plissant le nez elle se rassit sur sa chaise et reporta sur les entrelacs de plantes qu'elle brodait avant de saisir un fil d'or pour donner leur teinte aux elanor qu'avait demandé la propriétaire de la robe.
« – Elle à rétorqué que si j'étais vraiment si bonne, je devrais être capable de me surpasser de faire en sorte d'accéder à sa requête. Je la déteste ! Je la déteste ! J'espère que je vais oublier une aiguille et que son fiancé se piquera avec et salira cette jolie soie ! »
Galberet était fière et Azenor riait souvent de ses excès de rage alors même qu'elle savait que cette pression la pousserait à faire encore mieux qu'elle n'avait jamais fait. L’aînée poussa un soupire las et se concentra complètement sur son ouvrage.
« – On ne doit pas souhaiter le malheur de personne, ma petite. »
« – Je sais, mais elle, je ne l'aime vraiment pas. »
Et la conversation en resta là. Personne n'ajouta rien seules les mains s'affairaient en silence. Galbereth aimait Fondcombe et Imladris plus que tout autre chose, elle s'y sentait en paix et y était entourée d'amis, c'était la terre de sa naissance, la terre ou elle avait été conçue, La terre qui avait vu naître l'amour de ses parents.
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« – Mais Nana !... »
« – Il n'y à pas de « mais » qui tiennent. Majorité ou pas majorité tu n'iras pas crapahuter à des lieues d'ici sur la Terre des Hommes, juste pour le plaisir de
visiter ! c'est trop dangereux ! »
Eleniel jaugea sa fille avec un regard menaçant et la rousse plissa le nez avec mécontentement avant de tourner les talons et de sortir comme une furie de la maison manquant de claquer la porte derrière elle. Eleniel faillis lui répliquer que la conversation n'était pas terminée mais elle sus que c'était trop tard lorsqu'elle n'entendit plus les pas de Galbereth. Une dizaine d'elfes de Fondcombe avaient décidé de préparer un convois pour rejoindre les Havres-gris avant de prendre le départ pour Valinor. Parmis les partant il y avait Azenor, elle avait apprit à Galbereth tout ce qu'il fallait savoir sur la broderie et sur la couture et elle avait sa plus grande amie. La séparation serait difficile et elle le savait, mais elle avait déjà perdu son époux et elle ne supporterait pas de perdre en plus sa fille, alors il n'était pas question qu'elle s'aventure ou que ce soit sans elle.
Galbereth rêvait d'aventure, elle rêvait de visiter les autres comtés, de voir le monde et elle était persuadée que l'éternité était un cadeau qui devait servir à apprendre, à découvrir et certainement pas à être gaspillé dans une routine qui n'avait ni queue ni tête. C'était pour cette raison que les elfes se lassaient de la vie sur la Terre du milieu ! Parce qu'ils ne se mêlaient pas assez aux autres et qu'ils ne s'aventuraient jamais bien loin quelques exceptions mises à part. Si une part d'elle pouvait comprendre les réticences de sa mère l'autre part d'elle ne les supportait pas. Elle avait eu le temps de visiter le monde, de le voir de ses propres yeux et sa façon de priver son enfant de faire la même chose était source d'une tension presque écrasante.
« – Elle exagère ! »
Azenor posa une main sur l'épaule de la plus jeune pour lui faire lever les yeux vers elle. Le sang humain qu'elle portait en elle avait influé sur sa taille et elle était légèrement plus petite que la moyenne.
« – Elle réagit comme n'importe quelle Nana, le ferait. Elle tente de protéger son petit du danger, elle serait tellement malheureuse si malheur t'arrivait. »
« – Mais nous sommes en paix ! Que veux-tu qu'il m'arrive ? »
un sourire sur les lèvres d'Azenor.
« – La guerre n'est pas le seul danger que court une jolie petite elleth sans défense, tu sais ? »
Faisant preuve d'une rare mauvaise foi la rousse renchéri.
« – Je sais tirer à l'Arc ! »
« – Je sais ma petite, mais c'est loin d'être suffisant. »
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« – Vas-tu faire la tête pendant longtemps ma petite ? La route jusqu'à Calas Caladhon est longue tu sais. »
Mais Eleniel ne parvint pas à arracher un mot à Galbereth. Lorsqu'elle lui avait annoncer un mois plus tôt qu'elles quittaient Fondcombe pour le royaume de Lothlorien elle avait cru que sa fille allait s'étrangler de colère. Elle avait expliqué que le souvenir de son tendre époux était trop présent en Imladris et de toute façon sa famille lui manquait. Eleniel était née en Lothlorien et elle y avait passé la plus grande partie de sa vie c'était au cours d'un voyage à Fondcombe qu'elle avait rencontré Tancrède et qu'elle en était tombé amoureuse elle avait donc abandonné les siens pour vivre avec lui puisqu'il ne pouvait pas la rejoindre en Lorien. Elle avait passé plus d'un siècle si loin, si loin...il était temps de rentrer et il était naturelle que son enfant vienne aussi peu importe l'âge qu'elle pouvait bien avoir elle avait encore tant à apprendre, du moins c'est ce dont elle se persuadait pour justifier son comportement.
« – Tu me remercieras un jour, tu sais... »
Mais Galbereth n'émit pas le moindre son, ne la regarda pas et ne sembla même pas l'avoir entendue tant elle était concentrée sur la douleur de son cœur qui hurlait d'être arraché à sa foret, à sa patrie et à sa Terre Natale.
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Maethrion regardait d'un œil morne – mais qui se voulait calme et insensible – la fille de sa sœur cadette. Elles étaient arrivées en Lorien cinq ans plus tôt et depuis Galbereth semblait s'enfermer dans un un mutisme calculé et accusateur, plongeant dans une grande mélancolie. Elle quittait sa chambre la nuit et rejoignait l'entrée de la cité fortifiée , regardant ostensiblement le chemin qui la séparait de Fondcombe. Il ne savait pas comment, mais sans indication elle semblait toujours retrouver la direction d'Imladris et ne décrochait jamais ses yeux de l'horizon. Les valars seuls savaient ce qu'elle y voyait.
Elle s'était prise d'affection pour les gardes frontières depuis qu'ils avaient sauvé le convoi qui les conduisait à Calas Caladhon d'une attaque d'orques. Elle raccommodait leurs vêtements avec une application rare et leur accordait toujours de jolis sourire. Peu à peu elle s'était ouverte aux gens de la cité et il en était même qui arrivaient à la faire rire, la faire enrager, ils allumaient le feu qui crépitait si faiblement dans l'âtre de son cœur lorsqu'elle était en présence des membres de sa famille.
Elle ne pardonnait pas.
Elle ne pardonnait pas cette façon qu'avait sa mère de lui refuser son indépendance. Elle ne pardonnait pas sa mère de l'avoir arrachée à ses racines et à sa terre. Elle ne lui pardonnait pas de l'avoir éloignée de la dernière trace de son père. Elle ne pardonnait pas le manque d’empathie dont Eleniel avait fait preuve et l'égoïsme qui l'avait poussée à agir et elle ne lui pardonnait pas non plus de ne pas essayer de comprendre.
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« – Tu me rappelle pourquoi est-ce que je dois faire ça ? »
Maethrion ne répondit pas et de colère Galbereth jeta son arc au sol croisant les bras et tapant du pied comme une petite fille vexée de n'avoir pas eu ce qu'elle voulait. Lui apprendre à se servir d'un arc avait été la seule chose qu'il avait pu trouver pour lier des liens avec elle et elle se révélait être une bonne archère, sur cible immobile en tout cas. Mais elle refusait d'apprendre à se battre plus avant jugeant que ça ne servait à rien parce qu'elle n'avait pas la moindre envie de faire quelque guerre que ce soit. Il avait tenté de lui dire que peut-être si elle apprenait sa mère la laisserai partir en vadrouille à travers les terres du milieux mais la jeune fille s'était fermée comme une huître. Il ne doutait pas du fait qu'elle aimait Eleniel mais elle avait la rancune tenace et cette dernière refusait de s'excuser pour l'avoir obligée à quitter Fondcombe et leur relation ne s'améliorait pas. La rousse possédait désormais sa propre maison et faisait son possible pour n'avoir pas à faire quoique ce soit dans les parages de sa mère.
« – de toutes les façons tu es un trop mauvais professeur et ça ne m’intéresse pas, alors si tu permet je vais m'en aller parce que j'ai d'autres chose à faire ! »
Il fronça les sourcils mais n'ajouta pas un mot se contentant de hocher positivement la tête. Il savait qu'elle ne mentait même pas, elle avait bien d'autres choses à faire. Un mariage se préparait et elle avait été chargée de broder les nappes, les robes et même certains des rideaux du nouveau couple. Un véritable travail d'orfèvre. Elle s'était illustrée dix ans plus tôt en réalisant une véritable merveille en l'ouvrage d'une robe pour la Dame Galadriel en personne. On racontait même qu'elle était la plus talentueuse brodeuse du royaume. Maethrion n'était pas un expert en la matière mais il ne se souvenait pas avoir vu un jour une telle finesse dans le travaille d'une brodeuse. Alors il la laissa faire.
« – Demain, même heure. »
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Un éclat de rire. Rire d'enfant.
« – Alassë, petite chapardeuse attend que je t’attrape ! »
La petite elfe éclata de rire une nouvelle fois et lança la chaussure qu'elle avait prise à son camarade jeu qui parti comme une flèche dans la direction opposée.
« – Tu m'auras jamais ! Tu m'auras jamais ! »
Galbereth riait aussi. Elle avait accompagné les deux jeunes elfes à la rivière un peu plus tôt dans la matinée et elle avait retiré ses chaussures pour tremper les pieds dans l'eau tout en les regardant jouer. C'était à cet instant qu'Alassë avait décidé qu'il serait très drôle d'en prendre une et de courir le plus vite possible jusqu'à la cité. Galbereth était partie à leur poursuite et se ralentissait volontairement pour ne pas les attraper et leur laisser l'illusion d'une véritable position de force. C'était peut-être parce qu'elle était encore très jeune, mais elle était la camarade de jeu préférée des plus petit et elle même avait parfois tendance à préférer le caractère spontané des enfants au calme exacerbé des autres elfes et elle faisait sourire tout le monde, avec gentillesse. C'était de bonne guerre après tout elle avait toujours été là pour apporter son aide à qui la demandait. Cela faisait maintenant soixante ans qu'elle vivait là et si elle tournait encore très souvent les yeux en direction de Fondcombe, elle avait complètement intégré la vie de la Lorien et les habitants de la cîté la traitaient comme si elle avait toujours été des leurs.