J'aidais mon père à garder le Carrock sûr. Ou tout du moins, autant que possible. Smaug était loin d'être la seule menace des environs, et les Wargs ne sont pas les ennemis les plus redoutables que j'ai pu affronter... Cependant, je dois bien avouer que si j'avais su, j'aurais bien voulu aller aider les Hobbits.

Pas qu'un peu, vous pouvez me croire. Ces espèces de sales parasites ne cessent de vouloir envahir notre territoire. Nous taillons en pièce le moindre ennemi qui vient à passer par notre terre pour aller d'Ouest en Est ou inversement. Quant aux Araignées... Il m'est arrivé plus d'une fois de désobéir à mon père pour aller explorer le Forêt Noire, et j'ai dû en démembrer quelques vingtaines, en tout. Je déteste ces sales bêtes...

A vrai dire, pas grand chose. Tout ce que je sais de lui, c'est ce que mon père a bien voulu m'en dire. J'ignore s'il en sait davantage et n'en dit rien pour une quelconque raison, ou si au final il n'a pas plus d'informations que moi. J'aimerais bien aller demander aux Elfes ce qu'ils en savent, mais enfin...

Honnêtement, je ne me souviens pas beaucoup de mon enfance. Je n'ai que des souvenirs très flous de ma mère. Tout ce que j'arrive à me remémorer d'elle, c'est qu'elle était une femme douce et tendre, au caractère bien trempé. Mon père ne m'en parle jamais, et si jamais j'essaie d'en savoir plus, il élude rapidement la question et s'éloigne pour faire autre chose. A la longue, j'ai fini par abandonner jusqu'à l'idée de lui faire aborder le sujet.

Mes premiers souvenirs précis remontent à l'âge d'environ dix ans. C'est à cette période que mon père commença mon entraînement. Pour lui, il était évident que j'allais reprendre le flambeau à sa mort, et redorer le blason des Change-Peaux. Aujourd'hui encore c'est un idéal que j'essaie d'atteindre. Je tente de me hisser à la hauteur de sa légende. Mais avec un paternel tel que Beorn, il est difficile de sortir de son ombre...
Les techniques d'enseignement de ma race en matière de combat ne contiennent aucune douceur. Je fis mes armes en affrontant mon père, inlassablement, tous les jours. Sous forme humaine, mais surtout sous forme d'ours. Savoir manier une lame, c'est bien, mais rien ne vaut les griffes et les crocs. Et j'avoue que je le rejoins sur ce point de vue. Une épée, on peut l'égarer. Notre force, c'est que nous ne sommes jamais désarmés. Quand il jugea que j'étais suffisamment endurci, il m'emmena affronter de véritables ennemis. Des Orcs, qui descendaient des Monts Brumeux pour aller donner l'assaut sur un petit village niché entre les collines. A nous deux, l'affaire fut rapidement réglée. Le reste de ces immondes créatures qui n'avaient pas péries sous la violence de nos frappes détalèrent sans demander leur reste vers leurs galeries sous la montagne. Un premier combat que je n'oublierai jamais. L'adrénaline qui courait dans mes veines, le son des os qui se brisaient, de la chair qui se déchirait, le tintement clair des griffes ricochant sur le métal sombre des armures... Un joyeux imbroglio de ressentis et de sensations tellement variées que les mots ne pourront jamais décrire avec justesse ce que j'ai pu éprouver à ce moment précis.
Par la suite, mon géniteur me laissa davantage de liberté. Je pus explorer seul, parfois durant des jours entiers, les alentours du Carrock, et même au delà. Cependant, je ne m'éloignai jamais beaucoup, ni trop longtemps. Je restais très attaché à cette terre qui m'avait vu naître. Il y avait tout de même un endroit que j'aurais voulu pouvoir parcourir, explorer dans ses moindres recoins. La Forêt Noire. Mon père m'interdisait formellement d'y aller. D'après lui, le Roi des Elfes qui régnait là n'était pas des plus commodes, et ne faisait confiance à personne, enfermant dans les geôles de son palais souterrain toute créature non elfique qui se présentait sur son domaine. Si au début ces récits me tinrent à l'écart... Ca ne dura pas bien longtemps.

Bravant les ordres directs de mon paternel, je courus jusqu'à la forêt sous mon apparence d'ours, m'y enfonçant de plus en plus profondément. Ma route ne croisa celle d'aucun Elfe. En revanche, je fis la désagréable connaissance des Araignées géantes. L'engeance d'Ungoliant dont j'avais eu veut, sans aucun doute. Ce ne sont pas des adversaires très solides, mais leur nombre les rend rapidement dangereuses. C'est pourquoi je pris la fuite sans réfléchir davantage. Terminer en repas pour Araignées ? Hors de question !
Par la suite, je retournai quelques fois à Mirkwood, ne m'aventurant jamais trop loin entre les arbres afin d'éviter au maximum les problèmes.

... Plaît-il ? Ce que je faisais lors du passage de Thorïn et compagnie chez mon paternel ? Je chassais le Warg. Mais pas dans le même coin, plus au sud, le long du fleuve. Ces sales bêtes s'imaginent que je ne peux pas traquer leur piste si elles traversent le fleuve... Stupides créatures. Je fus plutôt déçu d'apprendre que j'avais loupé l'occasion de converser avec des Nains et un Hobbit, du reste. Mais enfin, j'en aurais bien l'occasion, plus tard...
Quand vint la Bataille des Cinq Armées, je chargeai les rangs Orcs aux côtés de mon père, bien évidemment. Il était hors de question que je le laisse se lancer seul dans un tel combat. Et puis je me serais maudit d'avoir loupé une occasion pareille de jouer des crocs et des griffes. Ceux qui se trouvaient là se souviennent surtout de la fureur dévastatrice de Beorn, mais je ne peux pas leur en vouloir. A côté de lui je parais bien moins impressionnant, même si je n'ai, au final, que son expérience et sa sagesse à lui envier. Je suis certes moins robuste que lui, mais je reste capable de soulever des charges impressionnantes et de broyer les crânes de mes adversaires sous mon poids.

Depuis ces événements... Que dire, que dire... Je ne fais rien de bien passionnant. Je tente de défendre les frontières du Carrock du mieux que je le peux, me faisant un devoir de tailler en pièces toute créature maléfique qui passe sur notre terre, quand bien même elle ne ferait que traverser. Et je rêve de pouvoir enfin faire quelque chose de réellement utile... Tout comme j'aimerais pouvoir parcourir inlassablement les sous-bois de Mirkwood, et aller poser les pattes en Erebor.