E
coutez, mon bon monsieur, si j’avais su, je n’aurais pas tenté de… Je me baissais juste à temps pour éviter le coup maladroit du mari aviné qui visait ma tête. D’un geste agile, rompu que je suis au combat de rue, je place un coup dans ses côtes que j’entends craquer. Le
(pas si que ça) gentilhomme recule en grognant et j’en profite pour me redresser et d’un second coup, un uppercut cette fois, je lui fais claquer la mâchoire, l’envoyant valdinguer sur une table adjacente où jouait d’autres hommes, enivrés au même point que mon nouvel ami.
Depuis l’attaque, les tavernes sont beaucoup moins bondées que d’habitude. Chacun a peur, préférant se réfugier chez lui à attendre un nouvel éclair dans une tempête qui fut aussi brève que puissante. Ne reste plus que dans les lieux habituellement si chaleureux que quelques marins bloqués au port à cause de l’embargo du seigneur des lieux, quelques filles de joies – pas que, apparemment, vu la querelle de ce soir – ainsi que ceux faisant désormais parti des meubles, préférant la tiédeur de la taverne à la froideur de leur chez eux.
Les temps sont mal tombés pour moi, qui avait choisi ce temps pour venir voir mon principal commanditaire, la femme qui me fasse le plus peur dans toute la Terre du Milieu. Reprenant mon chapeau, tombé sur les planches du sol lors de mon esquive, je le replace là où est sa place et m’approche de la jeune femme que je courtisais avant que son ivrogne de mari ne déboule pour m’apprendre, et je ne fais que le citer ici, la vie.
-
Ma douce, vous n’auriez pas dû me mentir concernant votre mariage, voyez donc ce qui arrive alors aux maris ! Je souris tout en parlant, le regard effrayé de la dame passant de son mari nageant dans les voluptés de l’alcool à ma personne.
Je n’ai cependant plus de temps à vous consacrer, la nuit est encore jeune mais m’attends une personne que je n’aime pas faire attendre. Je lui fais un salut rapide et je tourne les talons, déposant au passage quelques pièces sur le comptoir du tavernier qui me regarde de travers. Déjà que ses affaires ne sont pas glorieuse, il ne doit pas aimer voir ses clients se faire tabasser par un inconnu.
L’air frais de la nuit m’enchante, je suis une créature nocturne, comme la dame que je vais visiter, je suis donc plus certain de ne pas la déranger qu’aux dernières lueurs du jour, où son seigneur risquerait de nous importuner. Je marche rapidement dans les rues désertes, la nuit pour manteau. Je croise de ci, de là des gardes desquels je me soustrais de leur regard, de rares passant ivres et quelques malandrins faisant le guet pour une victime qui ne viendra pas ce soir.
J’arrive sous la fenêtre qui m’attend ouverte. Plus haute que dans mon souvenir, je vois cependant la lueur d’une bougie. Méawyn n’est donc pas encore dans les bras de Morphée. Agilement, sans autres bruits que le froissement de mes vêtements, je gravis le mur grâce aux lierres et aux roches pauvrement ajustées. Lorsque je dépasse la fenêtre, je peux la voir, douce enfant, endormie sur son bureau. Je passe le cadre de la fenêtre et me glisse dans la chambre, faisant craquer le plancher sous mes pieds, ce qui a pour effet de faire se relever la brune. Je la vois qui cherche à sa ceinture une arme et je ne peux que sourire devant ce réflexe, inutile puisque la dague que je suppose habituellement à sa hanche trône fièrement sur une chaise à côté du lit. Lorsqu’elle se retourne et que je vois son visage, fatigué, triste, je ne peux cependant pas m’empêcher de sourire. Voilà trop longtemps que je n’avais pas vu ce regard.
- L
a plus grande des sécurités serait de commencer par fermer cette fenêtre. Dis-je en le faisant moi-même.
Ne vous ai-je pas déjà dit que seuls les fous font confiance à la hauteur de leurs murs ? Mon sourire s’estompe cependant rapidement. Je connais désormais Méawyn depuis un moment et son visage stoïque n’est qu’une façade utilisée pour se protéger. Je suppose la peur d’une attaque dans sa chambrée désormais passée puisqu’elle m’a vu, mais elle garde cette expression distante. Certes, je viens de la réveiller, mais la dame que je connais et apprécie n’est pas du genre à être longue à réagir.
>>
Veuillez excuser mon incursion, ma dame. Je la salue en ôtant mon chapeau et en me courbant.
Je suis venu au plus vite pour vous faire part des dernières informations que j’ai pu récolter, mais la récente attaque de la ville m’a ralentie, les gardes se montrant particulièrement intéressés dans ceux qui ne sont pas de la cité portuaire. Aussi, j’espère ne pas vous déranger et n’hésitez pas à me congédier si le temps n’est pas propice pour ma visite. Je parle d’une voix assez basse pour ne pas trahir ma présence au-delà des murs de la chambre à coucher de mon amie, mon patron. Je suis bien des choses, de mauvaises choses, mais je ne me considère nullement comme un rustre et la santé de ces dames est une des choses qui me tiennent particulièrement à cœur. Autant dire qu’en voyant Méawyn dans cet état, je n’ai qu’une envie : l’aider à aller mieux.