vec un sourire en coin, Dakren contemplait Erebor, cette citée naine qui semblait surgir de la roche au pied de la montagne solitaire. Pressant les flancs de son poney pour le faire avancer, il donna l’ordre au groupe de se remettre en route. Ils étaient venus depuis les Ered Luin pour escorter Irien Mir jusqu’ici. Le nain n’avait jamais éprouvé le désir de voir ces terres. Pendant son enfance il avait entendu les histoires des nains exilés sur l’attaque du dragon. Certains rêvaient de ces halls de pierres et du trésor que gardait le dragon. Dakren pour sa part, même lorsqu’il n’était qu’un enfant, parvenait à percevoir la peur et la tristesse qui se dégageaient de la voix de ceux qui contaient ces histoires. Il n’avait jamais désiré voir cette montagne car elle ne renfermait qu’une promesse de mort. Etonnamment un groupe de treize nains avaient réussi à la reprendre, à la grande surprise des nains restés dans les montagnes bleues. Après que la montagne eut été reprise, nombreux furent ceux qui entreprirent un nouvel exode pour retourner sur cette terre promise. Quelle bande d’hypocrites, avait alors pensé Dakren. Ils n’avaient pas eu le cran de se mettre en danger pour la reprendre et n’y revenaient qu’une fois le danger écarté.

C’était avec une certaine déception que Dakren avait découvert qu’Indis avait fait partie de ces nains à rejoindre Erebor une fois la montagne reprise. Son cas était différent. Les gens parlent, et la raison pour laquelle elle n’avait pas suivi Thorin Oakenshield avait fini par arriver aux oreilles de Dakren. Le roi nain l’avait laissée derrière lui, sans lui demander son avis. Dakren connaissait Indis depuis de longues années, et il savait qu’elle en voudrait surement à Thorin de ne pas l’avoir emmenée. Elle avait une façon de penser très différente de la sienne. Elle tenait à des valeurs comme l’honneur et la noblesse. Thorin l’avait trahie, il avait bafoué son honneur de guerrière. Après cela Dakren pensait qu’elle ne voudrait pas le rejoindre à Erebor et pourtant… Elle partit sans rien lui dire, sans attendre son retour aux Ered Luin pour faire ses adieux. Elle ne lui laissa qu’une arme, une épée longue qu’il portait sur lui depuis tout ce temps. Cette arme lui rappelait l’amie qu’il avait eu, mais aussi la façon dont elle était partie sans même un au revoir, tout ça pour rejoindre un nain qui n’avait aucune considération pour elle. Aujourd’hui après tant d’années il allait enfin la revoir, et Dakren n’était pas encore sur de ce qu’il pensait de tout cela.

Le nain ne put pas se libérer jusqu’au soir. La journée avait été longue et il ressentait encore la fatigue du voyage. Il n’était cependant pas d’humeur pour aller dormir immédiatement et préféra faire un tour à la taverne. Qui sait, peut-être croiserait-il de vieilles connaissances ? Sans surprise, la taverne accueillait ce soir-là pas mal de monde. Des chansons et des rires résonnaient dans la vaste salle et les odeurs de bière et de nourriture venaient ajouter la dernière touche d’authenticité. Dakren traversa la joyeuse assemblée pour s’approcher du bar. Il y demanda une chope de bière naine. Le liquide ambré était frais et savoureux, mais peut-être pas aussi excellent que la bière des Ered, pensât-il avec une pointe d’orgueil patriotique. Il parcouru la salle du regard, cherchant des visages connus. Il pensait reconnaitre certaines personnes, mais n’en connaissait vraiment aucun. Il entamait sa deuxième bière, discutant tranquillement avec deux autres nains, quand il remarquait un coin de la salle qui était vide. Une naine était affalée à une table de laquelle les autres semblaient avoir peur de s’approcher. Au début il crut qu’il hallucinait, mais ensuite la naine changea de position, laissant voir son visage, et il n’y eut plus de doute possible. Il s’agissait bien d’Indis.

Sans rien dire il se leva et marcha vers sa table, tenant sa chope à la main. Pendant toutes ces années il avait gardé une certaine rancœur à l’égard d’Indis, mais plus il s’approchait de la table et plus elle s’effaçait. Ce ne fut que lorsqu’il eut traversé la foule et qu’il se trouva devant sa table qu’il se rendit compte que la naine n’avaient pas l’air d’être au mieux de sa forme. Elle qui avait toujours été un modèle de retenue n’avait pas l’air de s’être retenue de grand-chose ce soir. Il s’assit, un sourire amusé sur le visage. « Moi qui pensais qu’on aurait pu se livrer à un de nos petits combats pour fêter nos retrouvailles, je suis déçu. »