Ellyana naquit à Taniquetil, la plus haute montagne de Valinor durant l’Âge des Arbres. Née d’un père Vanya et d’une mère Noldor tous deux originels, c’est au sang de son paternel qu’elle doit sa chevelure d’or. Des Vanyar elle en retint la sagesse, la justice, la douceur, son habilité à manier la lance et à user des mots, l’art de la poésie. Des Noldors elle garda l’endurance, la force, son amour du travail du cuir et son insatiable curiosité. Elle était cet heureux mélange de deux grandes lignées et parmi l’une des rares Vanya à être vue en dehors de Taniquetil. Elly était amoureuse des deux Arbres et passait de long moment à les admirer. Lorsqu’elle n’était pas là ou auprès des Valar, elle descendait plus loin, dans la vallée érigée par les Noldors, avec sa mère. La belle était fascinée par leur travail, leur habilité à manier tout type de matériaux pour en faire quelque chose de beau.
Peu de temps après sa naissance, suivit celle de son frère cadet, Finë. Elle le chérit grandement et tous deux furent toujours très proches l’un de l’autre. Cependant, lui avait tendance à ne jamais sortir de Taniquetil, contrairement à sa sœur dont la curiosité naturelle la poussait à explorer ce qui l’entourait. C’est ainsi que son apprentissage d’armurière se présenta peu à peu, art dans lequel elle se trouva fort douée, tout particulièrement pour le cuir qui était son matériel favoris. Travaillant beaucoup dans l’esthétisme, ses créations étaient réputées pour leur style particulier et leur splendeur. Elle signait ses œuvres en brodant ou en imprimant une rose d’or sur le flanc de l’armure. Ses mains minutieuses laissèrent de nombreuses fois quelques enchantements à son travail, rendant ses réalisations bien souvent plus dures à transpercer par une arme non-magique.
Mais il est dit que le bonheur ne dure qu’un temps. Et lorsque la mort des deux Arbres survint, Ellyana s’en trouva fort affectée. Si elle ne fit jamais confiance à Melkor, comme tous les Vanyar, lorsque l’agitation se fit sentir chez les Noldors de partir par delà Valinor, sa curiosité la poussa à entreprendre le voyage avec eux. Un peu comme Galadriel et Turgon, elle désirait découvrir ces terres inconnues à ses yeux, car jamais elle n’eut en intention de suivre Faënor dans sa quête de vengeance. Ainsi, elle ne participa pas au massacre des Teleri et prit marche à travers l’Helcaraxë, le désert de glace, laissant derrière elle sa famille qui avait choisi de rester auprès des Valar, sa mère faisant parti du faible pourcentage des Noldors qui n’entreprirent jamais la route vers le Bélériand. Toujours elle se rappela de la voix de Manwë qui résonna dans la nuit, de cet avertissement, de ce bannissement pour avoir été à l’encontre de la volonté de ceux qui les avaient toujours chéris. Mais Elly n’avait jamais douté de la bonté des Valar et les paroles sombres de Faënor n’atteignirent jamais ni son cœur, ni son esprit. Le discourt de Manwë laissa cependant une marque profonde dans son âme. Allait-elle jamais revoir ses parents et son frère ?
Plusieurs raisons auraient pu la pousser à rebrousser chemin, mais elle n’en fit rien et traversa de peine et de misère le désert de glace. Durant son chemin, ne connaissant pratiquement que la femme de Turgon qui était une Vanya, elle se lia davantage à ce groupe de Noldors. Ainsi, elle s’installa avec eux près de la mer à leur arrivé en Bélériand, puis suivit Turgon à Gondolin lors de sa construction. À la cité cachée, elle travailla d’abord auprès du roi, on la connaissait pour être assez douée par les mots pour savoir faire entendre raison à Turgon. Dans ce rôle de conseillère qu’elle tint un temps, elle y rencontra Glorfindel. Puis finit par être affilié à l’unité de guerrière sous ses ordres. Elle tenait un rôle de pisteuse pour traquer leurs ennemis et évaluer leur nombre. À ses côtés elle mena nombreux combats, donc celui des Larmes Innombrables et à mesure que le temps passait, elle vit dans le regard de son capitaine quelque chose changer. Il devait plus protecteur avec elle, même si Ellyana savait très bien se défendre. Mais la guerre faisait rage en Bélériand, il n’était donc point approprié à ce moment pour avouer tel sentiment. Même fut-il partagé. Car chaque affrontement pouvait être porteur de mort.
Un destin funeste qu’Elly croisa sans doute trop tôt.
***
C’était au cœur de la bataille. Une pluie fine tombait du ciel, le temps était gris et morne. La chevelure blonde d’Ellyana collait contre son visage et sa nuque, trempée, mais elle était portée par la force qui faisait rage dans son cœur. Sa lance tournoyait au milieu du combat, abattant ses ennemis d’un coup de lame. Dans son ardeur, elle s’était approchée de la falaise, au bord de la plaine, un large terrain plat en milieu montagneux. Les elfes avaient tendus une embuscade à des orques qui s’agitaient maintenant pour leur vie. La guerrière de Gondolin était une tornade parmi la foule, une petite boule d’énergie, car oui, si on la comparait aux autres elfes de la troupe, elle était de stature plus frêle, par son sang Vanya, mais pas moins dangereuse pour autant, car elle avait tout de même héritée de l’endurance des Noldors.
Ce jour-là, c’était auprès de Thranduil qu’elle combattait, car Glorfindel menait la deuxième partie de leur troupe plus loin. Le combat allait bon train et nulle indication que la bataille était en défaveur des elfes qui semblaient même plutôt gagner du terrain. Personne ne sut jamais vraiment comment cela arriva, ni même elle véritablement, tout se produisit si vite. Il était plus grand que les autres, un orque qui s’était soudainement dressé devant elle. Une mauvaise manœuvre ou peut-être simple tour du destin. La lance d’Ellyana se brisa sous l’assaut de l’épée édentée. Son arme éclata en morceaux, cédant sous le poids comme si elle n’était qu’une simple brindille écrasée sous une botte. Le coup la propulsa de quelques pas derrière. Si prêt du vide, mais pas encore. Une deuxième frappe, la lame déchira son torse dans une décharge violente qui la mit à genoux. Elle étouffa un cri, la blessure n’avait rien de mortelle en soi. Mais avant que la bête ne puisse aller plus loin dans sa besogne, la belle lui planta sa propre épée à travers le corps en la dégainant.
Ce qu’elle n’eut pas prévu en revanche était que l’orque la repousserait vers l’arrière, la faisant basculer dans le vide avant de lui-même tituber et de s’écrouler lourdement au sol. Le cri qui franchit alors ses lèvres, comme elle s’accrochait de toutes ses forces contre le rempart qui semblait crouler sous son poids, fut un hurlement à fendre l’âme. Le regard d’Ellyana croisa celui de Thranduil qui s’était retourné pour en voir toute l’horreur. Étant au prise avec ses propres ennemis, il mit un temps à s’en débarrasser. Et elle sentait sa poigne lentement lâcher. Et cette douleur lui déchirant la poitrine lui élançait au moindre mouvement, faiblissant sa grippe contre la pierre. La belle vit le sindar se jeter dans sa direction et elle tenta de tendre la main pour attraper la sienne, leurs doigts s’effleurèrent. Quelques secondes plus tôt et c’aurait été bon. Une fraction de seconde de plus… et elle ne serait pas tombée. Son corps chuta sur plusieurs mètres en virevoltant dans tous les sens. Elly ferma les yeux, sentant son cœur s’arrêter et sa respiration se bloquer. Un tambour résonna au cœur de son crâne, elle eut l’impression que le temps s’était suspendu. La tombée en chute libre lui parut interminable, même si elle ne dura qu’un bref instant… Et son corps percuta le sol dans un impact dont suivit le silence.
La douleur était telle qu’elle n’en aurait jamais trouvé les mots pour la décrire. Chose fut telle qu’elle ne mourut cependant pas sur le coup. Une agonie lente qu’elle croyait alors faire face seule, mais lorsque la présence d’une silhouette se fit sentir à ses pieds, Ellyana trouva la force d’ouvrir ses paupières. Le visage de Thranduil se dessina à travers les larmes qui embrumaient son regard et un sourire pâle marqua ses lèvres teintées par son propre sang. Elle n’avait plus la force de parler. Sa main serra faiblement celle du sindar lorsqu’il la prit doucement entre ses doigts, elle voyait bien la détresse dans ses yeux.
Ne pleure pas, honeg. Petit frère. Dès qu’elle l’avait vu, il lui avait fait penser à Finë. Le reste s’était fait de lui-même. À mesure que la lueur de vie faiblissait dans son regard, sa force de lutter s’estompait peu à peu. Ses pupilles azures disparurent lentement sous ses paupières closent qu’elle ne parvenait plus à maintenir ouvertes. Et même si elle s’éteignit dans les bras de Thranduil, sa dernière pensée qui marqua son départ fut pour Glorfindel.
Et elle ne vit jamais son corps être remonté sur la plaine, ni ses frères d’armes pleurer sa mort. Elle ne sut jamais les funérailles qu’on lui leva à Gondolin, ni le vide qu’elle laissa derrière son sillage. Car son esprit était déjà trop loin, par delà la mer.
***
Son séjour dans le Hall de Mandos fut long, car long fut le temps avant que les Valar n’accordent leur pardon. Et elle crut longtemps qu’elle attendrait ici la fin de ce monde. Pourtant, elle fut réincarnée à Valinor après la Guerre de la Grande Colère. Là elle put retournée à Taniquetil, auprès des siens. Sa mort l’avait grandement marqué, mais les Terres Immortelles surent lui apporter le repos, même si les lieux seraient à tous jamais changé par la mort des deux Arbres. Il n’y a pas grand-chose à dire sur les siècles qui s’écoulèrent ensuite, outre qu’elle en déposa les armes et que jamais plus on ne la vit manier le cuir ou le métal pour en faire des armures. Et le temps passa, lentement, mais surement.
Puis vint le jour où elle fut approchée par les Valar et où on lui demanda de retournée en Terre du Milieu. Cependant, lorsqu’Ellyana s’enquit de savoir pourquoi, on lui répondit simplement qu’elle saurait, en temps et lieux, son rôle. Mais les Grands lurent en elle la peur de connaitre à nouveau le même dessin, car elle n’était pas sans savoir que le Mal rôdait toujours en Arda. Ainsi, Aüle lui confectionna une lance qui ne pourrait être brisée et elle-même reprit un travail qu’elle n’avait pas fait depuis longtemps et se fabriqua sa propre armure. En cette création, elle imprégna tout ce qu’elle put de ses dons, ainsi, nulle arme qui ne serait pas enchantée ne pourrait traverser sa cuirasse. Puis, lorsqu’elle se sentit prête, elle prit un bateau vers les Havres Gris, car, après tout, elle n’avait su résister à cette proposition que les Valar lui avaient faite. Un cadeau et une seconde chance, car elle savait que deux personnes à qui elle tenait beaucoup étaient toujours là-bas. Et la première chose qu’elle comptait faire était d’aller à leur rencontre.