There’s this girl in the mirror,
I wonder who she is.
Sometimes I think I know her,
Sometimes I wish I did.
There is a story in her eyes,
Lullabies and goodbyes.
When she’s looking back at me I can tell..
She’s hurting inside.
« Je t’aimais. »« Moi aussi. » «Je te faisais confiance.»«Je sais. »…
«Me pardonneras-tu ? »…
«Non. C’est trop tard. »«Je comprends. » Il est de ces réalités que l’on n’est pas prêt à recevoir. La silhouette frêle de Morwen se glissa dans l’entrebâillement de la porte pour se faufiler dans le couloir. C’était la nuit et le château entier était endormi, seuls quelques gardes dont elle connaissait leur ronde par cœur patrouillaient les lieux et la dame n’eut donc aucun mal à les éviter. Une cape rouge sur les épaules, capuchon rabaissé, un sac accroché à son dos, son épée elfique à sa ceinture et ses dagues jumelles dans ses bottes, elle semblait prête à partir, mais un dernier élément manquait à son attirail. Ses pas la menèrent jusqu’au sous-sol de cette immense demeure où elle pénétra dans une pièce où s’étalait des fioles, des herbes et autres mixtures inconnues. Rapidement, la brune entreprit une recherche à travers les étagères, les tiroirs et les tables de travail, mais il n’y connaissait pas grand-chose à cela et les fioles qu’elle désirait obtenir ne semblaient pas être ici.
« C’est cela que tu cherches ? » La voix de Saellon avait retenti derrière elle, la faisant sursauter. Morwen s’était retournée d’un seul coup, les mains derrière le dos pour apercevoir son frère brandir un petit contenant rempli d’un liquide bleu. Elle hésita un moment avant de s’approcher et de tendre la main gauche pour le prendre.
« Oui… Je… je dois prendre ma dose. » Mais il rangea la fiole dans un sac accroché à sa ceinture avant qu’elle n’eut le temps de ne serait-ce que l’effleurer. Le regard de Morwen s’affola un bref instant, faisant un pas vers l’arrière.
« Tu sembles prête à partir. » fit-il remarqué en la contournant, observant sa cape de voyage et son sac plein à craqué.
Sa sœur le suivit du regard sans lui laisser le loisir d’être dans son dos. D’un geste discret, elle laissa glisser sa main droite à l’intérieur de son manteau pour camoufler l’une de ses dagues qu’elle tenait enfermée dans ses doigts. Ne pensez pas cependant qu’elle eut d’intentions hostiles à son égard, simplement qu’elle avait toutes les raisons de croire qu’il avait attenté à sa vie il y un peu plus d’une semaine de cela. Mais peut-être vaut-il la peine de remonter l’horloge du temps, il y a vingt-huit de cela, juste un peu avant la naissance de Morwen.
***
Les gouverneurs de Forlond avaient donné naissance à une fille, mais celle-ci, trop faible, n’avait pas survécu à l’accouchement et des complications s’en étaient suivies pour la femme qui était dans un état comateux, maintenant aux soins de l’alchimiste de la ville. Sachant que le cœur de sa belle ne se remettrait pas de la mort de son enfant, il fit venir un serviteur à lui à qui il offrit une bourse bien remplie et lui demanda de trouver une jeune fille nouvelle-née et le messager parti à dos de cheval… ses pas le menèrent rapidement à Bree d’où il eut rumeur de la naissance des jumelles chez une famille pauvre de la modeste ville.
Morwen naquit en fait à Bree, deuxième en ligne après sa jumelle Méawyn. Néanmoins, la plus jeune était de nature plus fragile et s’avéra à la santé fragile dès ses premières heures de vie. La petite famille n’avait pas particulièrement les moyens de faire vivre deux enfants et encore moins si l’une d’elle était malade. Puis, un soir, un homme s’était présenté à eux, leur proposant d’offrir une vie à l’une de leur fille qui lui ferait connaître les échelons de ce monde et une opportunité de s’épanouir, là où elle n’en aurait pas l’occasion ici. Le choix fut déchirant, mais s’imposa pratiquement de lui-même. Entre les deux, Morwen était celle le plus susceptible de ne simplement pas survivre aux années qui suivraient. Alors, en échange d’une bourse d’or qui les aiderait à faire un bout de chemin à trois, les parents laissèrent en adoption leur fille. C’est ainsi que la bambine passa de roturière sans avenir à noble dame héritière de Forlond et il s’écoula nombre d’années sans que personne ne sache à propos de cela outre le père, l’alchimiste et le messager qui ramena en secret la petite auprès de ses nouveaux parents.
Morwen grandit dans l’amour d’une famille, le confort d’un foyer et les soins particuliers de l’alchimiste qui était aussi guérisseur. Deux ans après son arrivée, ce fut au tour de son frère Saellon de naître. Et dès lors, les deux furent inséparables. Durant les journées où la petite était au plus haut de sa forme, les deux parcouraient la demeure en courant, explorant les lieux, déambulaient dans le village, au port et à ses jours les plus durs, son frère était à son chevet, refusant de quitter son lit avant qu’elle n’aille mieux. Un amour fusionnel, une complicité forte, si Morwen avait le malheur de mentir sur son état de santé, il le savait, si Saellon avait la brillante idée de duper son entourage sur un sujet, elle le savait. L’un ne pouvait mentir à l’autre sans qu’il le sache automatiquement.
Les années passèrent cependant, leur relation ne fut pas toujours aussi fusionnelle qu’elle l’était à l’époque, cela ce doit peut-être à l’arrivée d’une nouvelle personne dans leur vie, Eilinel leur cousine. Ses parents étaient morts lors d’un naufrage, ceux-ci travaillant dans le domaine du commerce, faisait usage des voies marines pour échanger leur marchandise. Durant leur dernier voyage, une tempête avait fait couler leur embarcation. Alors le couple de gouverneur avait choisi de la prendre sous leur aile. Étant plus vieille que leurs deux enfants, celle-ci prenait souvent soin d’eux et Morwen se lia rapidement d’amitié avec elle. C’est surtout à partir de ce jour que les deux héritiers empruntèrent des chemins différents. Pendant que Saellon étudiait sous la tutelle de l’alchimiste, sa sœur elle s’intéressait de près aux étoiles et à la voûte céleste. Les deux étaient des intellectuels de haut niveau, mais n’usaient pas de leur intelligence dans le même domaine, ni ne l’exploitaient de la même manière. Saellon avait toujours été de nature plus sournoise, préférant user de la ruse que de la force brute, sachant manipuler son entourage à sa guise pour obtenir ce qu’il voulait. Ainsi, ce ne fut pas une surprise lorsqu’il s’intéressa surtout à l’usage des poisons tout particulièrement en comparaison au reste de l’éventail de son champ d’étude. Morwen, elle, bien que tout aussi bonne pour mentir, car elle détestait être cloitrée au lit pour cause de sa maladie, restait tout de même de caractère plus franc et plus direct, n’hésitant pas à affronter une situation de face plutôt que de tenter de frapper par derrière. Mais tous deux partageaient ce même point commun : la stratégie prime avant tout.
En parallèle, Saellon apprenait aussi l’art de la guerre et Morwen fut laissée de côté sur cela non pas en conséquence de son sexe, mais parce que ses parents croyaient qu’un effort physique trop demandant risquerait de nuire à sa santé, mais Eilinel ne l’entendit pas de cet avis. Sa cousine l’entraîna donc en secret, celle-ci faisant partie de la garde des membres de la famille des gouverneurs, et la cadette connut une amélioration notoire dans sa santé à travers cet entrainement qui favorisait sa forme physique. Évidemment, ce secret ne fut pas gardé bien longtemps et lorsque les parents de la brune le réalisèrent, ils tentèrent d’abord de la forcer à abandonner cette activité, mais sous les arguments des deux filles, ils finirent par céder et accorder à la demande de leur enfant, mais posèrent leur condition. On assigna un maître d’arme à Morwen, différent de celui de Saellon et elle reçut un entrainement réalisé pour elle. Les épées forgés par les Hommes étant trop lourde, on fit appelle aux elfes des Havres Gris qui lui firent cadeau d’une lame elfique plus légère pour sa main et demandant moins de force à manier. Elle reçut aussi plus tard une armure sur mesure et des dagues jumelles.
Lentement, une certaine compétition s’installa entre elle et son frère, à savoir lequel des deux performeraient le mieux. Mais l’ainée s’avéra plus douée au maniement de l’arme de Saellon. Presque chaque fois qu’ils se confrontaient en duel amical, elle parvenait à remporter la joute de peu. Les victoires de son cadet sont bien peu nombreuses en comparaison des siennes. Les deux grandissaient à une vitesse folle et malgré les différences qui grandissaient, ils restaient proches et complices.
Puis, Morwen atteignit sa majorité. Ce jour-là, son père lui confia le secret qu’il portait depuis tant d’années. Son adoption, ses véritables origines tout en lui assurant que, même si elle n’était pas de leur propre sang, il la considérait tout de même comme sa propre fille et héritière légitime de Forlond. Bien qu’ébranlée par la nouvelle, elle fut rassurée par les paroles de son paternel et ne chercha pas à savoir davantage sur ses véritables origines, considérant Forlond comme étant sa patrie et sa famille adoptive comme sa véritable famille. Peu lui importait ses parents biologiques, même si ceux-ci lui avaient permis de vivre une vie convenable et facile, chance qu’elle n’aurait sûrement pas eue à Bree. Néanmoins, elle et son père étaient loin de se douter qu’une troisième oreille avait entendu leur conversation.
À partir de cette période, la relation avec son frère s’avéra plus tendue et Morwen se rapprocha davantage de sa cousine. L’alchimiste mourut quelques mois après qu’elle eut atteint sa majorité et une longue période de maladie s’en suivit, car Saellon mit un grand moment à pouvoir reconstituer le médicament que seul son maître savait faire pour sa sœur. De nombreux essaies et erreurs furent nécessaires, plus d’échecs que de réussites dans le lot. Durant ces dix années, l’héritière de Forlond approfondie ses connaissances sur les étoiles, leur déplacement selon les saisons, les années, leur signification et elle apprit à s’orienter la nuit. Elle fut aussi initiée au domaine de la navigation – au plus grand damne d’Eilinell qui avait une peur bleue de l’eau – et su trouver libération sur le pont des navires et une aisance certaine à se démarquer des autres bateliers. On la laissait conduire les embarcations commerciales de Forlond jusqu’à Harlond et aux Havres Gris. C’est à cette période aussi que les noms Elinenia et Cîril lui furent baptisés. Puis, finalement, après plusieurs années de dur calvaire à la santé fragile et fluctuante, Saellon trouva enfin remède à ses maux…
C’était un matin tranquille et Morwen s’éveillait d’une nuit de fièvre intense. Les dernières avaient été particulièrement éreintantes et elle s’évadait tout juste d’un mal ayant fortement rongé son corps lorsque les tous premiers rayons de soleil filtrèrent à travers les fenêtres de sa chambre. Un pâle halo courait sur le plancher de marbre et les couvertures de sont lit, réchauffant son corps encore parcourut de sueurs froides. Incapable de rester assise plus longtemps, la brune s’était levée et était venue prendre place sur son fauteuil prêt de la cheminée éteinte. Son frère était venu lui rendre visite tôt en matinée, la majorité du château somnolait toujours d’ailleurs. Lorsque la porte de sa chambre s’ouvrit doucement, la dame s’était levée pour accueillir son frère et telle son habitude depuis les dernières années, il s’avoue distant, lui tendant simplement sa concoction.
« Tiens… bois. » Morwen s’exécuta sans ne rien dire. Elle calla son médicament cul-sec comme elle faisait toujours, détestant profondément le goût. Il semblait d’ailleurs que ce même goût lui parut différent, mais elle n’en fit guère attention. Celle-ci lui remit donc la fiole et Saellon la rangea avant de lui tourner le dos.
« Que t’arrive-t-il Sae ? On était si proche avant… » Mais il resta de dos, haussant les épaules. Elle n’obtint aucune réponse, mais Morwen sentit quelque chose d’anormal secouer son organisme. C’était peu dire puisqu’elle était souvent malade, pourtant, cette fois, c’était une sensation bien différente. Sa respiration semblait lui manquer, devenant difficile, douloureuse. Ses jambes flanchèrent rapidement sous son poids et la brune s’écroula à genoux en s’agrippant la poitrine et la gorge. Une douleur électrique parcourait ses poumons et son regard affolé qui ne comprenait pas ce qui survenait se releva vers son frère et elle croisa ses yeux gonflés par les larmes… puis elle comprit. Saellon tenta de s’approcher, mais sa sœur le repoussa. Cependant, à mesure que la panique prenait le dessus, elle ne put que s’abandonner dans ses bras alors qu’il appelait à l’aide et comme elle perdait connaissance dans ses bras.
Morwen s’éveilla plusieurs jours plus tard, incapable de parler et la peur au ventre. On ne savait par quel miracle elle avait survécu à cette soudaine attaque de sa maladie, mais elle était parvenue à s’en sortir à peu près indemne. Mais l’héritière de Forlond savait que cela n’avait rien à voir avec ce mal qui rongeait ses veines, c’était du poison qui avait passé de peu de la terrasser. Elle ne savait pas encore pourquoi elle avait survécu, si son frère avait simplement manqué sa mixture où si son organisme s’avérait naturellement plus résistant en compensation de sa santé fragile, ou peut-être un heureux mélange des deux, mais la batelière savait surtout qu’il n’y avait qu’une personne à travers toute la cours capable de concocter un poison aussi fort.
Saelon. Et cette trahison lui faisait terriblement mal. Néanmoins, il ne vint jamais à elle les jours qui suivirent et elle se trouva incapable de le dénoncer, persuader qu’on ne la croirait pas et partiellement parce qu’elle se refusait d’y croire elle-même. Deux nuits passèrent durant lesquels elle fut secouée par d’étranges cauchemars, l’éveillant bien avant l’heure requise et l’empêchant de retrouver le sommeil et c’était bien loin de se douter que ce tourment ne faisait que commencer qu’elle tenta au mieux d’oublier ce mal supplémentaire.
Tout semblait dérailler du jour au lendemain. Sa confiance, sa force, sa santé – physique comme mental – tout lui flanchait sous les pieds. Son nid douillait devenait maintenant un piège mortel et elle ne parvenait à dormir que sur un œil. Cette sensation de danger imminent lui était si forte qu’elle ne supporta plus de rester ici et le choix sembla s’imposer de lui-même…
***
«En effet… je pars. » dit-elle en tentant de se donner contenance.
Saellon s’était retourné et avait enfin osé plonger son regard dans le sien. Depuis des années maintenant qu’il l’avait fui, l’évitant constamment, incapable de le soutenir, maintenant il osait et ce qu’elle y vit lui fit peur. Son frère avait toujours été un livre ouvert et l’inverse s’appliquait aussi. Morwen vacilla, faisant un pas de plus derrière.
« Alors c’est vrai… » Sa voix s’était étranglée, par la rage, par la douleur, par l’incompréhension, par une foule de sentiments qu’elle ne pouvait tous nommé.
« Oui… et non. »
Du regret, de la rage, de l’amertume, de la douleur, de l’envie, de l’amour, la brune lisait tout cela dans les traits de son cadet et, pourtant, elle ne trouvait point la force de lui pardonner. Et la détermination qu’elle lisait derrière tout cela la terrifiait plus que tout.
« Pourquoi ? » « Bree. » Ce simple mot éclaira tout en une fraction de secondes. Toutes ses interrogations, ses questionnements se résolvaient par ces quatre lettres.
Bree. Il savait. Tout simplement. Et il n’avait pas accepté le fait qu’elle fut adoptée, mieux aimée et héritière qui plus est. En une fraction de seconde, son frère avait franchi la distance qui les séparait et ses doigts s’étaient refermés sur son bras gauche. Dans la panique, un mal entendu sans doute, Morwen s’affola et la dague qu’elle tenait dans sa main droite s’enfonça entre les cotes de Saellon. La brune lâcha un cri étouffé, psalmodiant des excuses inaudibles en le tenant contre elle alors qu’il s’écroulait à ses pieds. Les mains tremblantes, les larmes embrumant sa vue, l’ainée le déposa par terre en proie à une grande agitation, enchainant sans cesse des
« je suis désolée, pardon, je suis désolée. » et elle lui retira la sacoche contenant les fioles de sa médication, oubliant sa dague toujours enfoncée dans la chaire de son frère agonisant au sol. L’héritière de Forlond prit ainsi la fuite dans la nuit à dos de sa monture.
***
Les jours s’écroulèrent, puis les semaines jusqu’au compte de deux mois. Et à mesure que les soleils s’enchainaient, les nuits se voulaient plus longues et sa médicamentation en quantité moindre. Ses cauchemars l’assaillent toujours, inlassables, toujours plus violents, plus clairs à chaque éveil, mais en même temps toujours aussi flous. Sans nouvelle de Forlond depuis son départ, elle erre maintenant en Terre du Milieu dans des contrées inexplorées et vulnérable à un monde hostile qu’elle n’a jamais connu, elle, la princesse dans sa tour d’ivoire. Un oiseau hors de sa cage en or qui a oublié comment voler.